Editorial

Il paraît que l'Allemagne manque de main-d'œuvre. C'est pour cette raison principalement que Mme Angela Merkel a annoncé au début de la semaine passée, et sans s'être assurée de l'accord des Länder, qu'elle allait accueillir huit cent mille «migrants» sur le sol de la République.

Ce manque de main-d'œuvre ne nous surprend pas. Depuis la mise en vigueur en 1996 de la loi autorisant l'avortement sur simple requête de la mère, dans les quatorze semaines suivant les dernières règles, ce ne sont pas moins de 2'296'092 enfants allemands qui ont péri avant leur naissance, soit une moyenne de 120'847 meurtres légaux par an. L'an passé, pour la première fois depuis vingt ans, on a passé sous la barre des cent mille avortements.

Sachant d'autre part que certains travailleurs touchent une rémunération de quatre euros par heure, on comprend l'intérêt pour l'industrie allemande d'accueillir huit cent mille travailleurs supplémentaires non syndiqués dans un très proche avenir.

Il reste que l'intérêt de l'industrie n'est pas identique au bien commun. En payant des salaires qui ne couvrent pas le minimum vital, le patron laisse au contribuable le soin de compléter, par la vertu des services sociaux, l'entretien du travailleur et de sa famille. L'amortissement des écoles, des hôpitaux, des routes et leur entretien courant, la sécurité publique seront assumés par ceux qui paient des impôts, dont ne font évidemment pas partie les huit cent mille Syriens ou Erythréens «invités» par la Chancelière.

En quelques jours, Munich était envahie et le gouvernement de Bavière criait au secours. Mme Merkel a dû dès lors suspendre les accords de Schengen-Dublin, ce qui est le droit de tout Etat membre pour un temps limité, en vertu de l'art. 2 de cette convention, si l'ordre public ou la sécurité nationale l'exige.

Il est patent que l'ordre public et la sécurité nationale commandaient l'un et l'autre la suspension de la libre circulation, mais sera-ce vraiment pour un temps limité? Limité à quoi? à combien de jours, de semaines, de mois?

La réalité, on la connaît: dès que l'Union européenne aura pu, cahin-caha, organiser suffisamment de matelas dans des abris plus ou moins précaires, le flot des réfugiés va reprendre et se répandre dans tous les Etats européens, y compris la République tchèque, la Hongrie… et la Suisse.

Parmi eux, venus du Proche ou du Moyen Orient, d'Asie ou d'Afrique, il y a certainement des requérants d'asile qui étaient, dans leur pays d'origine, exposés à de sérieux préjudices en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques. Ceux-là, une minorité – dont les insurgés membres de Daech en Syrie pourraient légitimement faire partie –, seront admis comme réfugiés reconnus et recevront un permis annuel. D'autres seront peut-être admis provisoirement et d'autres, déboutés, feront l'objet d'une décision de renvoi… qui ne sera pas exécutée.

La déclaration imprudente de Mme Merkel va créer inévitablement un appel d'air qui va susciter dans les parties les plus défavorisées du monde un immense espoir de vie meilleure, et un exode massif en direction de l'Europe. Lorsque l'Allemagne aura accueilli ses huit cent mille premiers immigrants, et qu'il y en aura huit millions à ses frontières qui réclameront le droit de bénéficier de l'asile, que fera Mme Merkel, que fera M. Junker, que fera Mme Sommaruga?

Parmi les bonnes âmes et les dames patronnesses qui agitaient ce week-end des pancartes «Welcome» à Munich et dans d'autres villes allemandes, lesquelles sont disposées à offrir à ces immigrants la moitié de leur appartement, la moitié de leur rente ou de leur salaire? Je fais le pari que leur générosité n'ira pas au-delà de la gesticulation devant les caméras de la TV et d'une contribution de dix euros le dimanche matin, sur injonction d'un prêtre bien gras, mais soucieux d'éradiquer la misère dans le monde.

Le monde politique a tenu trois discours, successivement ou parfois même simultanément, au sujet du phénomène de l'immigration massive: certains ont dit: «Ce phénomène n'existe pas. Nos capacités d'accueil sont encore considérables.» D'autres ont proclamé: «Ces immigrants sont une chance pour nos pays, parce que leur arrivée va combler le déficit démographique et les apports de leur culture seront un enrichissement.» D'autres ont constaté: «On n'y peut rien. L'invasion est inéluctable et l'Europe sera dans vingt ans un califat.»

Ces trois positions sont fausses. Mais dire cela vous fait sentir le soufre. Avec l'arsenal judiciaire réprimant le racisme, la xénophobie et l'incitation à la haine, il est difficile de plaider pour la préservation des valeurs de civilisation chrétienne et occidentale sans être immédiatement soupçonné de préparer des génocides. Il faut louer d'autant plus le courage des hommes politiques qui ne craignent pas la critique des médias et des chaisières frustrées. Lorsque le fleuve déborde et qu'il menace de s'engouffrer dans la maison, il faut d'abord fermer la porte.

Ensuite, on avisera.

Claude Paschoud

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