Le Conseil fédéral néglige notre sécurité!

Une armée d'un effectif de cent mille hommes, complètement équipée avec un budget de cinq milliards de francs, tel était l'objectif que le conseiller fédéral Ueli Maurer avait fixé à l'annonce de la nouvelle réforme de l'armée. Ce montant de cinq milliards de francs était un argument clé de cette réforme. A côté de cela, le DEVA1 devait s'accompagner, notamment, du rééquipement des troupes restantes et de la mise sur pied d'un système de mobilisation partielle.

Par la voix de la conseillère fédérale Widmer-Schlumpf, on sait déjà maintenant que le montant de ce budget ne sera pas tenu. Un programme de réduction des budgets est prévu dès 2016. Pire, on annonce qu'en 2019 le Département de la défense devrait être encore soumis à une cure d'amaigrissement.

Ainsi, aucun des arguments qui furent opposés à cette quatrième réforme de l'armée n'a été retenu ni transmis. On l'a déjà dit, ce DEVA, basé sur une analyse de la situation géopolitique datant de 2010, est inapproprié et ne répond en tous cas pas à ce que la Constitution fédérale impose, à savoir la défense du pays et de sa population. On continue à brader les places d'exercice, on continue à détruire ce qui reste d'équipements, de véhicules blindés, d'infrastructures.

Au-delà de la stupéfiante désinvolture affichée par le Conseil fédéral en matière de sécurité du pays, il faut relever cette inaptitude à l'anticipation. Ce n'est pas quand la maison brûle que le Conseil municipal va voter l'achat d'un véhicule pour les pompiers. Les signes de sérieuses tensions se font jour aussi en Europe. On rechigne à acquérir un nouvel avion de combat. On argumente que le plus important c'est la cyberguerre – un mot qui se réfère à une menace qui n'occultera jamais le fait que c'est quand même, in fine, l'homme qui fera l'attaque, tuera, assassinera, bloquera, occupera, pillera, coupera les têtes...

On agite l'épouvantail du « terrorisme »  qui, à la réflexion, n'est pas une menace mais bien une forme de combat, comme l'avait fort justement caractérisé le politicien Mélenchon sur une antenne française.

Aujourd'hui il est patent que la désorganisation de la défense du pays affecte d'abord les esprits. Bien sûr les jeunes soldats accomplissent leur mission avec, souvent, une très grande conviction, mais plus haut on pense coopération, réductions, démantèlement, Partenariat pour la paix, OTAN; une sorte de malencontreuse idée qui veut que ce soit l'étranger qui vienne nous aider en situation difficile. Il est bien vilain de profiter des forces armées des autres pour se dispenser de payer sa propre protection!

Fondamentalement, le DEVA modifie foncièrement le rapport d'égalité des citoyens face à leur devoir civique de servir dans l'armée. Aujourd'hui, ce rapport change de plus en plus. S'il reste encore des soldats dont on sait qu'ils risqueraient jusqu'à leur vie en cas de crise, s'il reste des astreints à la protection civile, nous constatons que le service civil absorbe aussi des citoyens dont le pire qui puisse leur arriver est de se laisser tomber le stylo sur le pied. Ce traitement inégalitaire se double désormais d'une méfiance crasse envers ceux qui détiennent une arme à la maison. Une confiance et aussi un pouvoir disparaissent, rendant le représentant politique tout-puissant face à une population dont on critique, de plus en plus, la capacité d'initiative et de référendum.

Il est temps d'admettre ce qui précède et d'encourager à reprendre une voie plus raisonnable les hommes et les femmes de conviction; les gens conscients qu'une nation se respecte dès lors qu'elle prend au sérieux sa sécurité, qu'elle sait défendre et protéger ses citoyens; les hommes et les femmes qui en savent le prix, non seulement en termes budgétaires mais aussi matériels et humains. A la veille des élections fédérales, ce serait une bonne idée de s'en préoccuper!

Tout ceci me rappelle une phrase émise par un expert britannique à la suite d'une catastrophe ferroviaire et que l'on pourrait parfaitement transposer chez nous: « Si vous pensez que la sécurité coûte trop cher, essayez donc un accident. »

François Villard

1 Développement de l'armée. En allemand: WEA pour Weiterentwicklung der Armee que d'aucuns traduisent par Weitereliminierung der Armee.

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