Pas de passé, pas de futur

PolluxLe Pamphlet n° 447 Septembre 2015

En assistant à une messe traditionnelle en latin, certains peuvent parfois s'interroger sur l'utilité et la pertinence de cette liturgie complexe, de ces gestes dont on ne saisit pas toujours la signification, de cette langue que plus personne ne comprend. Face à ces interrogations, plusieurs réponses sont possibles; celle que nous aimons donner est que tous ces éléments sont là pour exprimer un lien direct avec tous les croyants qui nous ont précédés au cours des deux mille ans d'histoire du christianisme, et qui ont célébré la messe ainsi à travers de nombreux siècles. Car la religion n'est pas seulement une foi, elle est aussi un lien entre les personnes qui partagent cette foi.

En ce sens, donc, la messe traditionnelle exprime un lien avec notre passé. Il y a évidemment beaucoup d'autres manières d'exprimer ce lien. Pourtant, on ne s'en soucie souvent pas assez. Aujourd'hui, on s'indigne – très mollement, il est vrai – de la destruction de Palmyre et de la décapitation des personnes qui entretenaient ce lieu chargé d'histoire. Mais on s'est moins ému, dans les années soixante, lorsque l'Eglise a procédé à des réformes – animées de bonnes ou de mauvaises intentions, là n'est pas la question – qui ont abouti à la disparition d'éléments de tradition qui nous reliaient à notre passé.

Ces réflexions nous sont venues il y a quelques semaines, au moment où commençait le fulgurant assaut lancé à l'est de l'Europe par des dizaines de milliers de migrants, dont on ne sait d'ailleurs pas exactement qui ils sont ni d'où ils viennent – comment vérifier les histoires que les médias nous racontent à leur sujet?

Nous ne voulons ni ne pouvons aborder ici tous les aspects de cette dramatique accélération de l'invasion de l'Europe. Contentons-nous d'en signaler trois.

Le premier est que ces événements se déroulent en dehors de tout cadre juridique. Les diverses législations sur l'immigration, dont on voyait déjà qu'elles n'étaient plus appliquées depuis plusieurs années, sont aujourd'hui officiellement abandonnées par les gouvernements ouest-européens – à tout le moins à l'égard des populations arabes et africaines. Pour ces dernières, y compris pour les combattants de l'Etat islamique qui vont certainement profiter de cette aubaine, l'Europe est désormais entièrement ouverte. Les migrants peuvent entrer comme ils le veulent, choisir le pays où ils veulent vivre, se déplacer partout, sans que personne ne se pose même la question de leur statut juridique1 – comment parler de «clandestins» dès lors que le droit n'existe plus?

Le second aspect est qu'au moment où cet assaut a été lancé, les élites dirigeantes ouest-européennes ont immédiatement adopté un ton extrêmement dur et menaçant à l'égard de toute velléité de résistance. La chancelière allemande Angela Merkel s'est montrée la plus ignoble, en déclarant qu'elle ne tolérerait aucune opposition à l'arrivée des migrants, et en comparant à des nazis les Allemands qui manifestaient leur désaccord. Un de ses ministres a demandé aux principaux réseaux sociaux de censurer les réactions négatives qui y étaient publiées – vous pensiez que la Corée du Nord, c'était loin? Détrompez-vous.

Le troisième et dernier élément qui nous frappe est que, au-delà des élites politiques, une grande partie de la population s'affiche également comme «collabo», en acclamant l'arrivée des envahisseurs. Une partie de ces réactions proviennent d'immigrés déjà installés chez nous, mais les Européens de souche ne sont pas en reste. Entre autres, des représentants de l'économie privée se sont empressés d'affirmer que nos entreprises avaient besoin de plus d'immigrés. En Suède, des policiers ont publié, apparemment de leur propre initiative, une vidéo de bienvenue: «Bienvenue dans notre beau pays. […] Nous espérons que tout ira bien pour vous dans votre scolarité, pour trouver du travail […]. Nous sommes pareils, vous et moi. […] Vous pouvez croire en ce que vous voulez, quel Dieu vous voulez, exprimer votre opinion sur n'importe quel sujet, vous marier avec qui vous voulez.»

Les Européens réagissent de manière hystérique quand un péril menace la pérennité de la moindre espèce animale ou variété végétale; ils protestent mollement lorsqu'on détruit des temples anciens à plus de trois mille kilomètres de chez eux; mais ils trouvent tout à fait normal de voir leur propre identité, leur propre culture et leur propre civilisation se diluer et s'estomper face à l'arrivée massive d'autres populations, qui ne sont pas pareilles. Le lien avec leur propre passé ne semble décidément pas les intéresser. Et quand on n'a pas de passé, on n'a pas de futur.

Pollux

1 C'était du moins la perspective qui s'offrait au moment où l'auteur a rédigé ces lignes avant de partir en vacances. En dépit du rétablissement des contrôles aux frontières, il est trop tôt pour décider s'il convient de reconsidérer ce jugement. (Réd.)

Thèmes associés: Ethique - Politique fédérale

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