Code du travail: les lycéens sont dans la rue

Malheur au pays dont le prince est un enfant

Ecclésiaste, 10, 16

Le projet de loi visant à simplifier le Code du travail, en France, est attaqué par plusieurs syndicats et par des manifestations de lycéens, tout fiers de leur incompétence et bouffis d'arrogance, qui sont descendus dans la rue pour scander des slogans hostiles à Mme Myriam El Khomri, ministre du travail dans le gouvernement Valls III.

Bien évidemment, les lycéens ne sont concernés ni par les dispositions actuelles ni par les articles proposés, qui devront encore être soumis au Conseil des ministres, puis à l'Assemblée. Le texte définitif n'est pas encore arrêté, ce qui a incité les deux plus grands syndicats, la CGT et Force ouvrière, à réserver leurs objections éventuelles pour plus tard.

Mais les grandes lignes de la réforme sont connues: elles concernent le temps de travail maximum, quotidien et hebdomadaire, les conditions qui permettront un licenciement économique et le plafonnement des indemnités prud'homales attribuées en cas de licenciement «abusif».

Le Code du travail reste un monument indigeste, rébarbatif et souvent illisible, dont la croissance en nombre de pages (en moyenne cent pages supplémentaires par an) est directement proportionnelle au chiffre du chômage: en 1990, mille pages et un million de chômeurs; en 2000, deux mille pages et deux millions de chômeurs; en 2010, trois mille pages et trois millions de chômeurs; en 2015, trois mille six cent huitante neuf pages (édition annotée Dalloz) et trois millions sept cent mille chômeurs. Pas loin de six millions si l'on compte les catégories A à E1. Le taux de chômage dépasse les 10%.

En Suisse, le taux de chômage était de 3,3% en moyenne annuelle en 2015, ce qui peut être considéré comme une situation de plein emploi selon les critères keynésiens. Notre loi sur le travail compte trente et une pages ou cent dix pages si on y ajoute les ordonnances d'application 1, 2, 3 et 5.

Notre droit relatif au contrat de travail (les articles 319 à 362 du Code des obligations) tient sur quarante-six pages du Recueil systématique (édité en format A5).

Que peut-on déduire de ces observations et de cette comparaison, sinon que si nos amis Français veulent vraiment faire diminuer le chômage dans leur beau pays, ils auraient grand avantage à venir étudier ce qui se passe chez nous, plutôt qu'à tenter le replâtrage d'un Code du travail déjà impraticable.

Si, en Suisse, il est permis de licencier un collaborateur sans indication de motifs (sous réserve que ces motifs soient demandés), ce n'est jamais par plaisir ou de gaîté de cœur que le chef d'entreprise décide de licencier et il ne s'y résoudra que poussé par une nécessité (au moins un avantage) économique. Ni l'administration ni le Conseil des Prud'hommes n'ont la compétence de juger la pertinence des motifs économiques allégués, sous réserve que soit prouvée une cause extra-économique de licenciement qualifiée de «congé abusif» au sens de l'article 336 CO.

Si les patrons peuvent licencier plus aisément en Suisse, comment explique-t-on que le chômage est moindre? Tout simplement par le fait qu'un employeur qui sait qu'il ne pourra pas licencier en cas de baisse de son chiffre d'affaires, sauf à devoir débourser des indemnités ruineuses, hésitera à embaucher. Ou, s'il embauche, ce sera sur la base d'un CDD d'un mois!

En France, les indemnités prud'homales accordées au collaborateur licencié sont telles que plusieurs PME ont dû fermer leurs portes après avoir été condamnées à servir douze mois de salaire d'indemnités à un employé qu'on ne pouvait plus conserver, faute de clientèle suffisante.

Le projet de Mme El Khomri plafonne ces indemnités. Si le congé est réputé «abusif», c'est-à-dire s'il ne répond pas aux définitions du licenciement économique décrit dans la loi, les indemnités sont limitées en fonction de l'ancienneté: jusqu'à deux ans, trois mois; jusqu'à cinq ans, six mois; puis neuf, douze et quinze mois pour des anciennetés supérieures.

Finalement, ces nouveautés sont bien modestes, ne représentent pas un démantèlement des acquis sociaux et ne justifient nullement la pétition lancée sur internet ni la mobilisation des travailleurs et encore moins les manifestations des petits crétins lycéens.

Ce qu'il faudrait sans doute, c'est la refonte complète du droit du travail, qui passerait par une abrogation du Code actuel et la récriture d'un Code entièrement nouveau, inspiré du droit suisse ou du droit allemand. Les syndicats ne toucheraient plus un euro d'argent public et devraient vivre des seules cotisations de leurs membres. Les grèves dans les services publics seraient interdites… et les lycéens seraient invités à s'occuper de leurs études.

Claude Paschoud

 

1 catégorie A: demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, sans emploi;
catégorie B: demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, ayant exercé une activité réduite courte (ex. de 78 heures ou moins au cours du mois);
catégorie C: demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, ayant exercé une activité réduite longue (ex. de plus de 78 heures au cours du mois);
catégorie D: demandeurs d'emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi (en raison d'un stage, d'une formation, d'une maladie…), sans emploi;
catégorie E: demandeurs d'emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, en emploi (par exemple: bénéficiaires de contrats aidés).

Thèmes associés: Economie - Politique française

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