Petite réflexion énergétique

Une voiture électrique

Bob est un jeune cadre dynamique. La trentaine, il est considéré par ses collègues comme un gagnant, un garçon avec des principes et un bon époux. Il est marié à Jennifer, naturopathe de deux ans sa cadette, militante de Greenpeace et maman de deux jeunes bambins. En rentrant à la maison ce soir, Bob est content, car il va faire une belle surprise à sa charmante épouse. Il a passé chercher chez le concessionnaire Honda le dernier modèle de voiture familiale électrique proposé par la marque. Mais Bob va au-devant d'une cruelle déception. La réaction de sa moitié n'est pas celle à laquelle il s'attendait.

«Quoi! une voiture électrique, mais tu n'es pas fou? Tu ne comprends rien à rien. Depuis le temps que je te dis qu'on doit sortir du nucléaire, je pensais avoir été claire. Va m'échanger cette horreur contre deux vélos… NORMAUX HEIN, PAS ‰LECTRIQUES!»

L'erreur de Bob est compréhensible. Comme nombre de ses concitoyens, il a pensé faire œuvre d'authentique écologiste en choisissant la voiture «verte» par excellence, uniquement électrique et sans émissions de gaz à effet de serre. Mais voilà, l'écologie ce n'est pas seulement éviter les combustibles fossiles et Bob n'est pas un écolo pur sucre. Il s'y est mis surtout pour faire plaisir à Jenny et accessoirement pour la mettre dans son lit. Il écoute d'une oreille parfois distraite ses envolées passionnées sur les ampoules LED et sur les panneaux photovoltaïques.

L'erreur commise lors du choix de la voiture va amener Bob au divorce et à l'alcoolisme, mais ça, c'est une autre histoire.

Marketing politique

L'écologie est à la mode; pas le parti écologique, déviation verdâtre du parti socialiste, qui est en perte de vitesse, mais bien l'écologie de conscience individuelle. Les discours alarmistes concernant le réchauffement de la planète et la destruction de notre écosystème sont peut-être exagérés, mais il serait prudent dans tous les cas d'appliquer le principe de précaution et de prendre des mesures.

On peut classer les sources d'énergie en deux catégories: les renouvelables comme le soleil, le vent, les rivières et les non renouvelables comme le pétrole et l'uranium. Les énergies fossiles finiront un jour par s'épuiser, bien qu'on ne sache pas exactement quand, et provoquent des émissions polluantes; le combustible nucléaire utilisé doit être stocké de manière sûre en raison des radiations qu'il émet et les centrales peuvent provoquer des catastrophes épouvantables comme on l'a vu à Tchernobyl et Fukushima.

Pour l'année 2015, selon l'Office fédéral de l'énergie, la Suisse a produit 66'344 millions de kWh, un peu plus que la consommation indigène. La production se répartit essentiellement entre l'hydraulique, 40'268 millions de kWh, et le nucléaire, 24'132 millions de kWh. Les autres énergies dites renouvelables comme l'éolien et le solaire représentaient respectivement en 2014 une production de 101 et 1'455 millions de kWh, soit 2,35% de la production globale de 2015.

A la suite de la catastrophe de Fukushima, le monde politique est entré en ébullition: l'occasion était trop belle pour ne pas la saisir et se faire mousser en voguant sur la vague du NON au nucléaire. C'est ainsi que notre Doris nationale nous a pondu sa stratégie énergétique à l'horizon 2050. Ah! 2050, c'est loin! Trente-quatre ans! Elle sera à la retraite à ce moment-là.

Selon elle, on va y arriver en réduisant la consommation et en investissant dans d'autres formes de production d'énergie.

La réduction de la consommation, ça ne s'est jamais vu et, malgré une constante amélioration des appareils, on est toujours plus nombreux et on consomme toujours plus. Et pour ce qui est d'augmenter la production, il va falloir investir.

Je me suis amusé à faire quelques recherches sur des sites traitant de la production électrique et j'en ai extrapolé les exemples suivants: pour remplacer la production actuelle d'énergie nucléaire par de l'énergie solaire, il faudrait installer 220 km2 de panneaux photovoltaïques, soit cinq fois la surface de la ville de Lausanne. Et si on voulait faire de même avec l'éolien, sans parler de l'abomination esthétique que cela représenterait, il faudrait compter avec six mille éoliennes sur une surface de 750 km2, soit deux fois et demi le canton de Genève.

La réflexion sur les sources d'énergie possibles et leur impact sur l'environnement est nécessaire, mais il faut se garder de décisions prises à la hâte et sous le coup de l'émotion, surtout lorsque cette émotion ressemble plutôt à de la manœuvre politicienne.

Dans la mesure où nous ne sommes pas encore parvenus à mettre au point la fusion nucléaire, qui nous permettra de produire des quantités illimitées d'énergie propre, nous devons nous attendre à voir notre facture d'électricité se multiplier par deux ou trois sur les prochaines décennies. Il n'y a qu'ainsi que pourront être assumés les coûts d'investissement dans les nouvelles techniques de production électrique.

Xavier Savigny

Thèmes associés: Economie - Environnement - Politique fédérale

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