Editorial

Il était temps que cesse cette mascarade: c'est le 26 mai 1992, soit il y a vingt-quatre ans, que la Suisse déposait sa demande alors que la fiancée était encore relativement svelte et désirable: douze Etats seulement, en assez bonne santé. Les trois derniers arrivés étaient porteurs de mauvais cholestérol, mais un régime était prévu et on pensait pouvoir assumer.

En mai 1992, c'était juste avant que le peuple ne rejette notre adhésion à l'EEE, avant l'entrée en vigueur des traités de Maastricht et d'Amsterdam, avant que la fiancée ne passe de la taille trente-huit à la taille quarante-six, puis qu'elle ne devienne franchement obèse en 2004 et ne soit sur le point d'éclater en 2007.

La vieille catin ne se contentait d'ailleurs pas d'enfler comme une baudruche, elle flirtait ouvertement avec les Etats-Unis, qui lui proposaient des rendez-vous galants, comme à Madrid en décembre 1995, en lui faisant miroiter des escapades futures croustillantes, dans un Nouvel Agenda transatlantique. Toute frétillante, l'UE adoptait fin avril 2007 (à Washington, bien entendu) un Accord cadre pour la promotion de l'intégration économique transatlantique entre les Etats-Unis et l'Union européenne, accord par lequel l'Europe se faisait «niquer» bien profond.

Pendant que les Américains jurent à l'Europe qu'ils la trouvent charmante, ils l'obligent à accepter ses maïs bourrés d'OGM, ils continuent d'entretenir des prisons secrètes sur le territoire européen tout en s'opposant à la Cour pénale internationale, et surtout ils mènent une guerre absurde en Irak et font pression pour l'admission de la Turquie au sein de l'Union.

Le 8 mai 2003, un des conseillers nationaux les plus lucides, un certain Christoph Blocher, avait développé une motion (03.3225) proposant le retrait de la demande d'adhésion à l'Union européenne. Le Conseil fédéral, le 19 septembre, avait estimé qu'un retrait de la demande d'adhésion ne serait d'aucune utilité à la Suisse; il ne ferait que créer un besoin inutile d'explications [sic!] à l'étranger. Le 16 décembre, le Conseil national, bon élève, rejetait la motion.

Depuis lors, la situation a bien changé: l'Union européenne est non seulement trop grosse, non seulement elle a peine à se mouvoir, non seulement ses membres ne sont plus toujours synchrones avec les centres nerveux, mais les coutures de ses vêtements craquent. A l'heure où j'écris ces lignes, il y a des risques (ou des chances) que le Royaume-Uni quitte le gras mammouth. D'autres sont tentés et pas seulement des nationalistes nostalgiques ou des patriotes passéistes étriqués. D'autres encore rêvent d'un régime Weight Watchers et seraient tentés par quelques amputations. Le Conseil fédéral ne craint plus le besoin inutile d'explications. Personne n'en demandera, tout le monde a compris.

Parmi les sceptiques, il y a des démocrates, qui s'étonnent qu'une aussi grosse machine puisse être dirigée par des gens (la Commission) qui n'ont été élus par personne. Il y a des paysans dont les coûts de revient sont supérieurs au prix de vente du marché. Il y a des consommateurs qui avaient applaudi au principe du Cassis de Dijon et qui doivent subir aujourd'hui le jambon à l'eau, le fromage à l'amidon et le sirop de fruits sans fruits. Il y a des gens pour soutenir qu'une Union qui admet vingt-quatre langues officielles différentes est ingouvernable.

Dans un article de Domaine Public  repris par l'Agefi (30 mai 2016), M. Gret Haller soutient que sans vision d'adhésion à long terme et en dehors de l'EEE, la Suisse tend vers un statut de simple Etat tiers à l'Union européenne, comme le Canada ou le Japon.

Et alors? C'est grave docteur?

Claude Paschoud

Thèmes associés: Politique fédérale - Politique internationale

Cet article a été vu 3373 fois

Recherche des articles

:

Recherche des éditions