Editorial

C'était bien la peine de placarder à Wittenberg nonante-cinq thèses violemment hostiles au pape; de mener des guerres de religion sanglantes durant tout le XVIe siècle; de susciter le massacre des huguenots à la Saint-Barthélémy; en un mot, de provoquer la scission irrémédiable des chrétiens d'Europe, pour finalement tomber dans un syncrétisme tiède et mou, dont les bannières sont le «vivre-ensemble», l'écoute, le dialogue, le respect mutuel et la constatation que, au-delà de nos différences, «nous avons tous le même Dieu».

Pour le cinq centième anniversaire de la Réformation, les Eglises protestantes de Genève, Vaud, Neuchâtel, Berne francophone et Jura ont lancé un journal commun, Réformés, qui est allé interroger des professeurs de théologie sur l'identité protestante telle qu'elle est vécue aujourd'hui.

Le constat est navrant. Mme Lytta Basset, professeur honoraire de théologie pratique à Neuchâtel s'exprime comme suit: «Aujourd'hui, ce qui est essentiel, c'est notre relation au Christ, notre attachement à sa parole, à son enseignement, à sa personne. Dans mes séminaires, j'observe que, pour les gens, il n'est pas si important d'être réformé, catholique, orthodoxe ou évangélique. Ce qui compte, c'est d'être chrétien.»

Pour Elisabeth Parmentier, professeur de théologie pratique à l'Université de Genève, «entrer dans le dialogue œcuménique et interreligieux permet de dépasser les préjugés, d'établir des ponts sans se confondre avec l'autre».

Quant à Laurent Gagnebin, professeur honoraire de théologie pratique et d'apologétique à Paris, il frise le panthéisme en proclamant que «dans la mesure où Dieu est en nous, il y a du sacré dans l'être humain». En soutenant «qu'il appartient tout spécialement au protestantisme de promouvoir aussi le dialogue avec les athées», il répète le blabla insipide qui tient lieu de doctrine à ceux qui n'ont pas coutume de penser.

Le chef de l'Eglise catholique, le pape François, a cru bon de se rendre à l'invitation de l'Eglise luthérienne de Suède, et il en a profité pour proclamer le 31 octobre que les catholiques sont «profondément reconnaissants pour les dons spirituels et théologiques reçus à travers la Réforme».

La lecture de la déclaration conjointe que le pape a faite avec les représentants de l'Eglise luthérienne en Suède a profondément choqué la Fraternité sacerdotale Saint Pie X qui proclame sur son site La Porte latine1:

Notre douleur est à son comble.

En présence du véritable scandale que représente une telle déclaration où s'enchaînent les erreurs historiques, de graves atteintes à la prédication de la foi catholique et un faux humanisme source de tant de maux, nous ne pouvons rester silencieux.

Sous le fallacieux prétexte de l'amour du prochain et le souhait d'une unité factice et illusoire, la foi catholique est sacrifiée sur l'autel de l'œcuménisme qui met en péril le salut des âmes. Les erreurs les plus énormes et la vérité de notre Seigneur Jésus-Christ sont mises sur un pied d'égalité.

Les sédévacantistes (c'est-à-dire les catholiques traditionnalistes qui estiment que tous les papes depuis Pie XII sont des hérétiques et des imposteurs) sont encore plus sévères. Sous le titre Qui est vraiment François, l'hebdomadaire français Rivarol2 a publié une série d'articles signés Alejandro Sosa Laprida, qui décortiquent les paroles et les écrits de Francisco Bergoglio pour en démontrer l'hérésie.

Les mensuels Lectures françaises3 et Lecture et Tradition4 sont tous deux des défenseurs de la foi catholique traditionnelle, laquelle n'est pas monolithique. A preuve, les controverses de doctrine, sur le pape Léon XIII ou sur les mérites du jansénisme5, passionnantes études de Lecture et Tradition no 65.

Mais les catholiques traditionnels et les vrais réformés partagent le privilège de nous intéresser, alors même que la soupe tiède de l'œcuménisme nous insupporte profondément. Les prêtres et les pasteurs qui sont de simples assistants sociaux, ceux dont le message se limite à glorifier l'écoute et le dialogue, la bienveillance et la tolérance, nous ne les écoutons plus, parce que les mêmes bavardages servent aussi à nous convaincre que le Dieu des chrétiens et celui des musulmans est finalement le même personnage, et que l'invasion de l'Europe par l'islam est une chance pour notre civilisation décadente.

C'était bien la peine…!

Claude Paschoud

 

1 www.laportelatine.org.

2 Rivarol, 19, rue d'Italie, 75013 Paris; abt annuel pour la Suisse 126 €.

3 Lectures françaises 86190 Chiré-en-Montreuil; abt annuel pour la Suisse 76 €.

4 Lecture et Tradition 86190 Chiré-en –Montreuil; abt annuel pour la Suisse 38 €.

5 Histoire du jansénisme de Monique Cottret, éd. Perrin 2016.

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