Editorial

C'est le 1er janvier 2018 qu'entreront en vigueur la nouvelle loi sur la nationalité suisse1 et son ordonnance d'application2. C'est donc à l'aune de ces nouvelles dispositions qu'il faudra traiter toutes les requêtes de naturalisation présentées par tous les étrangers désireux de bénéficier du passeport à croix blanche, qu'ils soient présents en Suisse depuis plus de dix ans, ou conjoint d'un(e) citoyen(ne) suisse, ou étranger de la deuxième ou de la troisième génération.

La votation du 12 février ne concerne ni la loi, adoptée par le Parlement3 sans référendum ni l'ordonnance, mais vise seulement à introduire dans la Constitution fédérale une petite adjonction à l'art. 38 al. 3: la Confédération sera appelée à faciliter la naturalisation non seulement des enfants apatrides, comme c'est déjà le cas, mais également des étrangers de la troisième génération.

Dans les cantons romands, cette nouveauté n'en sera pas une, car on a introduit depuis plusieurs années des procédures simplifiées pour les étrangers de la deuxième génération, et donc a fortiori de la troisième. On fera même un pas en arrière en terre vaudoise, car la nouvelle ordonnance impose aux candidats des examens de langue qui ne sont plus exigés actuellement des candidats à la naturalisation ordinaire.

Dans une livraison récente de l'hebdomadaire Domaine public4, Jacques Guyat observe: La définition de l'immigré de la troisième génération paraît ubuesque. En clair, si l'on peut dire, il faut qu'au moins un des quatre grands-parents soit né en Suisse ou ait obtenu l'autorisation d'y séjourner. L'un des parents devra avoir vécu au moins 10 ans en Suisse et y avoir accompli 5 ans d'études. Quant à l'impétrant lui-même, il doit être né en Suisse, y avoir également accompli 5 ans de scolarité, être titulaire d'un permis d'établissement et ne pas avoir plus de 25 ans. En revanche, il n'est pas nécessaire qu'il vive en Suisse au moment de sa demande de naturalisation.

Ces étrangers de la troisième génération sont principalement des Italiens dont les grands-parents et les parents n'ont jamais vu l'avantage de devenir Suisses, car leur permis d'établissement leur conférait tous les avantages (économiques) de la citoyenneté sans l'obligation de servir dans l'armée, tout en leur garantissant le droit de conserver leur nationalité d'origine, et donc un passeport européen.

Il y a quelques années, l'acquisition de la nationalité suisse par un étranger supposait qu'il renonce à toute autre nationalité. Lorsque cette exigence a été supprimée, et pendant encore quelques années, si j'ai bonne mémoire, les citoyens espagnols ne pouvaient acquérir une autre nationalité qu'en renonçant au passeport espagnol.

Renoncer à sa nationalité est un acte grave et on comprend que ni les Italiens ni les Espagnols ne se soient précipités pour solliciter la citoyenneté helvétique. Dans sa brochure explicative, le Conseil fédéral nous décrit en ces termes les étrangers de la troisième génération: Ces jeunes étrangers sont nés en Suisse et y ont fait leur scolarité. Ils sont membres d'un club de sport, font partie d'une chorale ou sont actifs dans d'autres associations. Leur patrie est la Suisse5.

C'est un mensonge absurde. A chaque championnat ou lors de chaque coupe du monde de football, on peut constater de visu et de façon sonore quelle est la vraie patrie des supporters de l'Inter de Milan, de Benfica, du Barça ou du Real.

La possibilité de nationalités multiples est aujourd'hui comparable à ces cartes de crédit gratuites que vous accumulez dans votre porte-monnaie: trois ou quatre Visa, trois ou quatre MasterCard, sans compter les Supercard et Cumulus, qui attestent de votre fidélité au duopole du consumérisme helvète.

L'acquisition de deux, voire trois ou quatre nationalités ne signifie plus rien en termes de patrie. Le droit conféré aux citoyens d'une commune d'accueillir ou non un nouveau combourgeois n'est plus libre. Le refus doit être motivé, fondé sur des raisons objectives, et il est sujet à recours. La nation est devenue une sorte de circonscription administrative, comme les districts. Mme Nancy Holten, une emm…euse qui sollicitait la bourgeoisie de Gipf-Oberfrick (AG), se l'est vu refuser par l'Assemblée de commune, lasse de son militantisme anti-cloches de vaches et anti-cloches d'églises, pour la deuxième fois. C'est probablement l'autorité cantonale qui lui délivrera le feu vert pour la naturalisation fédérale.

Je suis tout à fait favorable à la naturalisation facilitée pour les étrangers de deuxième et bien entendu de troisième génération, à condition qu'on en revienne à la règle qui interdit les nationalités multiples.

Claude Paschoud

 

1 LN RS 141.0 RO 2016 2561.

2 OLN RO 2016 2577.

3 Le 20 juin 2014.

4 www.domainepublic.ch/articles/30741.

5 C'est moi qui souligne.

Thèmes associés: Egalité, discriminations - Immigration - Politique fédérale

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