«Révélations» sur Donald à Moscou
Il faut tenir pour hautement vraisemblable que les services secrets de la Russie, comme d'ailleurs ceux de tous les Etats développés, ont constitué des dossiers sur toutes les personnalités du monde qui jouent (ou qui pourront un jour jouer) un rôle éminent, et sur lesquels, dès lors, on pourrait exercer des pressions grâce aux menaces de divulgation de faits compromettants.
Ces pressions ne peuvent être efficaces qu'aussi longtemps que restent secrets les éléments contenus dans le dossier, et pour autant encore que la victime du chantage ait un intérêt essentiel à leur non-divulgation.
Imagine-t-on qu'on aurait pu contraindre François Mitterrand à une décision contraire aux intérêts de la France en le menaçant de révéler publiquement sa liaison extraconjugale et l'existence de sa fille adultérine? Croit-on qu'on pourra torpiller la candidature de M. Emmanuel Macron à la présidence de la République en menaçant de révéler publiquement ses préférences sexuelles?
Quel naïf pourrait imaginer influer sur les relations entre les Etats-Unis et la Russie en révélant que M. Donald Trump, alors qu'il était un simple homme d'affaires new-yorkais, aurait eu des relations sexuelles tarifées dans un hôtel de Moscou?
La révélation publique d'un fait confidentiel qui pourrait donner lieu à un chantage est une balle dans le pied du maître chanteur, car cette révélation tue la poule aux œufs d'or. Le détenteur du dossier compromettant n'a plus barre sur la victime et ne peut plus tirer avantage de son silence.
En outre, pour être efficace, la menace de révélation doit porter sur un fait réellement compromettant, dont la diffusion publique soit de nature à créer un dommage important à la victime du chantage. Un délit pénal encore non découvert pourrait entrer dans cette définition. Mais ni Mazarine Pingeot ni les promenades sylvestres de Macron avec son ami Gallet ni même les ébats éventuels de Donald Trump avec une Natacha moscovite ne constituent matière à chantage. Les intéressés n'ont qu'à répondre, si on les interroge: «Et alors, en quoi cela vous regarde-t-il?» Le public pardonne beaucoup, mais pas le mensonge. Bill Clinton n'a pas pâti de la tache sur la robe de Monika, mais de ses mensonges sous serment. Et on aurait sans doute pardonné à Cahuzac ses comptes à l'étranger s'il n'avait pas affirmé publiquement à ses collègues, les yeux dans les yeux, leur inexistence.
Dans le cas du futur président des Etats-Unis, et compte tenu de ses déclarations sur les femmes qu'il a l'habitude d'attraper «by the pussy», on serait surpris d'apprendre que lors de ses voyages à Moscou, il consacrait ses soirées, seul dans sa suite, à relire Dostoïevski.
La prochaine fois qu'on évoquera devant lui ces fuites, qu'elles soient fondées sur des faits réels ou qu'elles soient des bobards, je lui suggère de répondre simplement, avec la délicatesse langagière qui lui est habituelle: «Allez vous faire f…»
C. P.
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