Sur les prétendus cadeaux fiscaux

Si un bandit masqué vous attaque au coin d'une rue sombre, vous entrave et visite votre portefeuille, vous soulage de toutes vos cartes et de tout votre argent liquide, à l'exception d'un billet de vingt francs qu'il vous laisse avec humanité pour vous permettre de prendre un taxi après son départ… direz-vous qu'il vous a fait un cadeau?

C'est pourtant ainsi que s'expriment les adversaires de la réforme fiscale RIE III: les montants que la Confédération renonce à venir prélever dans les entreprises seraient des cadeaux fiscaux.

Dans la campagne qui précède le vote du 12 février, les commentateurs traitent savamment de nombreux aspects techniques du projet, tels la patent box ou les intérêts notionnels, mais rares sont ceux qui abordent la question fondamentale: est-il équitable de prélever un impôt sur les bénéfices de l'entreprise?

Domaine public vient d'éditer un numéro spécial dans lequel sont reproduits huit articles fort bien documentés pour inviter le lecteur à refuser la réforme proposée1. Les auteurs, qui critiquent – avec pertinence selon moi – les avantages accordés aux actionnaires et qui remettent en cause l'exonération des gains en capital sur les valeurs boursières, semblent considérer comme une règle intangible que les entreprises doivent être soumises à l'impôt sur les bénéfices, selon les normes édictées par l'OCDE.

A partir de cet a priori, on peut évidemment chipoter sur les taux, sur les méthodes pour calculer l'assiette de l'impôt et sur les différentes manières d'éviter d'être tondu, en surfacturant des services aux succursales domiciliées dans des Etats aux taxes élevées. On peut disserter sur la sous-enchère que pratiquent les cantons entre eux, et on peut déplorer que les baisses de recettes induites par la RIE III aux niveaux fédéral et cantonal ne soient pas compensées par une taxation augmentée des personnes physiques sur les dividendes perçus.

Mais cette question subsiste: pourquoi l'entreprise doit-elle payer un impôt sur les bénéfices qu'elle réalise, alors même que les propriétaires du capital vont devoir payer à nouveau l'impôt sur le revenu calculé une deuxième fois sur ces mêmes bénéfices, s'ils sont distribués?

C. P.

 

1 https://www.domainepublic.ch/wp-content/uploads/dp2148a.pdf.

Thèmes associés: Economie - Médias - Politique fédérale

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