Mort de l'Hebdo

Bien sûr, la disparition d'un hebdomadaire d'opinions n'est pas une bonne nouvelle. Elle est une vraie catastrophe pour ses journalistes, qui ne retrouveront pas aussi facilement un emploi qu'un installateur sanitaire ou un carrossier si leur entreprise fermait ses portes. Ces derniers ont en effet des compétences professionnelles démontrables.

Elle est un coup dur pour la gauche intellectuelle, qui avait pris l'habitude de monopoliser l'espace médiatique, et d'imposer ses vérités révélées à l'ensemble des ploucs que nous sommes, aux frais des abonnés de plus en plus rares et d'un éditeur de moins en moins disposé à perdre des millions.

Mais l'Hebdo se proclamait encore bon pour la tête, par quoi il fallait comprendre que le reste de la presse flattait l'émotivité et les instincts les plus bas de la populace, et que seuls les Alain Jeannet, Chantal Tauxe, François Cherix et consorts étaient capables d'élever le débat, de susciter des pistes de réflexion, d'ouvrir la Suisse au monde et de terrasser le populisme, le repli sur soi, le racisme ordinaire, la xénophobie rampante et la bêtise affligeante des millions d'Américains qui se sont choisi un «gros con» comme président.

Depuis le jour où le refus de l'EEE par les Suisses avait suscité les prophéties les plus apocalyptiques d'une élite autoproclamée, l'Hebdo n'a cessé de nous vanter les vertus de l'Union européenne et de minimiser ses tares. L'euroscepticisme de plus en plus répandu dans les peuples de l'Europe a été brocardé, ridiculisé, voire injurié par la caste journalistique, qui semble avoir perdu de vue que le fonctionnement même de l'Union, la perte de maîtrise de l'immigration de masse et surtout l'unification des monnaies nationales provoquaient la faillite presque inéluctable de l'ensemble.

Le réveil des sentiments souverainistes ou nationalistes dans plusieurs pays européens aurait dû inciter les rédacteurs d'un hebdomadaire bon pour la tête à s'interroger sur les motifs de cette résurgence. Mais l'Hebdo n'y a vu que matière à moquerie, injures et mépris.

Pour l'Europe comme pour la politique vaudoise d'enseignement, c'est la mécanique du cliquet: on voit que ça va très mal, les institutions européennes font que les Etats membres s'enfoncent dans les crises, les élèves sont de moins en moins bien formés, les réformes engagées ont des effets déplorables, alors il faut encore renforcer les réformes, il faut plus de réformes, on ira encore plus loin.

Mais il arrive un moment où le public n'y croit plus. Il ne suit plus les gourous du mondialisme, du libre-échange en matière économique et du socialisme en matière sociétale. Les lecteurs sont las de se faire traiter par les docteurs de l'Hebdo de crétins aux opinions nauséabondes. Ils ont résilié leur abonnement.

Y a-t-il un plan B? Sans doute. Les rédacteurs licenciés peuvent trouver un philanthrope disposé à perdre encore pendant quelques années un nombre déterminé de millions pour poursuivre la publication, et donc continuer à percevoir un confortable salaire pour nous traiter de débiles et nous abreuver de leurs avis éclairés.

Ils peuvent aussi tenter d'exercer un vrai métier, utile à l'économie et à la population, et publier sur internet, sans rétribution et à temps perdu, les articles intelligents que toute la population attend fébrilement de leur part.

Ils pourront aussi rejoindre la cohorte des collaborateurs de la radio et de la TV, entreprise qui n'a aucun souci de rentabilité puisque financée par une redevance obligatoire et où le salarié peut donc injurier impunément son auditoire sans crainte de déplaire à son chef ni de perdre son emploi.

C'est probablement cette solution qui sera choisie, car les rédactrices et les rédacteurs de l'Hebdo ont déjà depuis longtemps leurs entrées dans les couloirs de la grande régie. Ils n'y seront pas culturellement dépaysés.

C. P.

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