Attention au Chat
On ne parle plus que de cela sur les réseaux sociaux: l’intelligence artificielle (IA) est arrivée dans nos foyers et semble partie pour s’y faire une place de choix. On ne mesure probablement pas encore bien à quel point il s’agit d’un changement important, qui va modifier nombre d’habitudes et bouleverser le paysage du marché du travail.
Le fameux Chat GPT est un outil capable de répondre à un nombre incalculable de demandes en recherchant, classant et organisant des éléments péchés dans sa base de données. Vous pouvez lui demander une liste de sujets d’articles sur un thème donné, de vous organiser un périple en Scandinavie, de vous créer le code HTML d’un site internet ou de vous pondre un plan de marketing pour votre entreprise, le tout en quelques secondes. Petit bémol, ses connaissances s’arrêtent pour le moment en 2021, car il n’accède pas pour ses réponses à un moteur de recherche en ligne du type de Google.
Comme toutes les nouveautés révolutionnaires, l’intelligence artificielle suscite de nombreuses questions et plus encore de craintes. Quels sont les emplois qui, à court terme, seront remplacés par la machine pensante? Comment contrôler que les travaux académiques sont des productions personnelles? Quels risques présente l’IA en termes de protection des données personnelles? Comment s’assurer que tout cela ne va pas nous exploser à la figure dans le style Skynet1?
Tout d’abord, les experts s’accordent à dire que le bidule n’est pas encore au point et qu’il peut se planter en beauté dans ses réponses. Mais, comme il ne cesse d’apprendre, ce défaut devrait aller en s’amenuisant. Ensuite, comme il s’agit d’un robot et que sa fonction consiste à recompiler des données existantes, il est, et restera, incapable de faire preuve de créativité. Pour apporter une solution à un problème, il ne pourra qu’indiquer ce qui a déjà été fait. Il pourrait écrire en imitant le style de Victor Hugo, mais ne pourra en aucune manière créer un style propre. En résumé, l’IA ne peut pas être originale.
Se pose aussi la question de la manipulation des réponses du robot grâce à la sélection du contenu de la base de données. Imaginons que l’on veuille promouvoir un certain type d’idéologie, au hasard le féminisme, il suffirait d’introduire dans l’équation toutes sortes de contenus tendancieux pour que la machine les recrache sans états d’âme. Le robot ne peut pas faire preuve d’esprit critique, il n’a pas d’opinions.
Quels sont les métiers en danger? Probablement certains des plus prestigieux, ceux qui demandent des années d’études pour la quantité de connaissances qui doivent être apprises, mais pour lesquels l’empathie et l’originalité ne sont pas de mise. Je pense notamment aux médecins et aux avocats2. Un diagnostic ou un procès se résolvent au moyen de données objectives; la machine peut le faire. A terme, lorsque le programme aura été implanté dans des robots humanoïdes, les métiers les plus pénibles seront également rayés de la liste. Il nous restera les activités impliquant la créativité et le contact humain.
Le processus de transformation du marché du travail et de la productivité, amorcé par l’arrivée d’internet, est sur le point de s’accélérer et il faut nous y préparer. Je pense notamment à la façon dont il nous faudra modifier fondamentalement l’enseignement. Il n’est déjà plus nécessaire aujourd’hui d’apprendre par cœur de grandes quantités de connaissances que l’on peut trouver en quelques secondes sur Google. Mais combien indispensable se révèle l’apprentissage de l’esprit critique vis-à-vis de cette avalanche d’informations! Comment utiliser ces nouveaux outils pour résoudre des problèmes concrets? Et, finalement, comment parvenir à communiquer de manière efficace et harmonieuse avec les autres êtres humains?
On en revient aux fondamentaux: philosophie, mathématiques et langues.
Michel Paschoud
1 Skynet est un élément de la série de films «Terminator», dans lesquels, dans un futur proche, les robots se rebellent et cherchent à exterminer l’espèce humaine.
2 Afin de ne pas être mal interprété, je précise que mon propos n’est pas de dire que les médecins et les avocats ne sont ni originaux ni empathiques en général, mais que ces qualités ne sont pas indispensables dans l’exercice de leurs métiers et que, si on a les éléments d’information nécessaires, on peut poser un diagnostic ou gagner un procès sans avoir vu son patient/client.