Editorial

Les chambres fédérales se préoccupent de l’adoption. D’une part, le Conseil national a adopté le 10 mars une motion, dont la paternité, si l’on peut dire, revient à la conseillère nationale socialiste zuricoise Jacqueline Fehr, prévoyant que les parents biologiques d’un enfant adopté auront le droit d’apprendre l’identité leur rejeton si celui-ci donne son consentement une fois atteinte sa majorité. Comme on le sait, les enfants adoptés bénéficient déjà du droit de connaître l’identité de leurs parents biologiques et il y aurait là une sorte de symétrie, mais il s’agit avant tout, paraît-il, de réparer l’injustice commise à l’encontre, notamment, de mères célibataires qui, jusque dans les années huitante, donnèrent leur enfant en adoption à la suite des fortes pressions exercées sur elles par les directions d’établissements «éducatifs» dans lesquels elles étaient envoyées.

De son côté, le Conseil des Etats a accepté l’assouplissement des conditions imposées aux couples désireux d’adopter des enfants: l’âge minimum requis et la durée de vie commune seront abaissés, l’adoption ouverte aux concubins.

Il ne nous paraît pas certain que la possibilité donnée aux enfants adoptés de connaître leurs origines soit une bonne chose. Certes, ces enfants éprouvent à un moment ou à un autre le besoin de savoir d’où ils viennent, mais les quelques cas que nous connaissons tendent à montrer que les découvertes auxquelles les amènent leurs recherches sont souvent hautement décevantes. Et si tel n’est pas le cas, le risque de concurrence entre parents adoptifs et parents biologiques est trop grand. Il ne faut pas seulement penser aux enfants adoptés, mais aussi aux parents adoptifs qui, après avoir tout donné, risquent de se voir rejeter au profit de géniteurs idéalisés.

Le droit pour tous les parents biologiques de connaître l’identité de leurs enfants et par là de pouvoir entrer en contact avec eux ne ferait qu’augmenter ces risques et ne manquerait pas de créer des situations difficiles, voire dramatiques. Le fait qu’un certain nombre de cas particuliers, d’ailleurs déjà anciens, puissent inspirer la sympathie, ne suffit pas à justifier une autorisation générale. D’ailleurs, rien n’empêche le législateur de prévoir des dérogations à la loi en vigueur, à condition que les circonstances soient clairement définies.

L’assouplissement des conditions d’adoption pour les couples en mal d’enfants nous inquiète également. Nous ne sommes certes pas favorables à ce que des tracasseries de toutes sortes transforment les formalités d’adoption en un parcours du combattant et l’on peut supposer que des parents adoptifs âgés de trente ans plutôt que de trente-cinq, ayant été mariés trois ans plutôt que cinq seraient parfaitement aptes à élever des enfants adoptés. Ce qui nous dérange, c’est l’extension du droit d’adopter aux concubins, non pas parce que nous jugeons les concubins moins aptes à élever des enfants adoptés que des couples mariés qui seront peut-être divorcés peu après l’adoption, mais parce que c’est la porte ouverte à l’adoption par d’autres couples non traditionnels, à savoir les couples homosexuels. Et si démodé que cela puisse paraître, nous pensons que Dieu ou la nature, comme vous voudrez, n’a pas créé deux sexes par hasard; qu’il est donc préférable que les enfants soient élevés par un homme et une femme. On nous objectera les taux de divorces et de séparations élevés, qui rendent caduque cette manière de voir. Autant que nous sachions, les couples homosexuels ne sont pas non plus à l’abri des ruptures.

Quoi qu’il en soit, on peut se demander s’il est bien nécessaire de revoir le droit de l’adoption suisse, puisque, de toute façon, la libéralisation de l’avortement supprime presque complètement la possibilité d’adopter des enfants de chez nous et que les vrais problèmes que pose l’adoption viennent des pays lointains où les futurs parents adoptifs sont obligés d’aller chercher leurs enfants.

Le Pamphlet

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