Nouvelle offensive contre les droits populaires

Madame Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération et chef du Département fédéral des affaires étrangères, avait organisé à Berne une journée d’étude consacrée à savoir si nos droits démocratiques sont toujours compatibles avec nos engagements internationaux.

Mme Calmy, après avoir rassuré les participants par des propos lénifiants sur le respect des droits populaires et fustigé les organisations supranationales sans aucune légitimité, comme le G20 par exemple, a néanmoins estimé que les initiatives populaires «doivent être mieux encadrées, car certaines sont potentiellement contraires au droit international».

«La Suisse, a déclaré l’oratrice, a toujours misé sur la primauté du droit dans les relations internationales. Si elle choisit de ne plus respecter les engagements qu’elle a pris en vertu du droit international, elle perd sa crédibilité et affaiblit les valeurs qu’elle défendait jusqu’à présent.»

Qu’est-ce que cela signifie concrètement? Que les initiatives populaires devraient être soumises à un contrôle préalable, par les juristes de la couronne. S’ils jugent que le texte de l’initiative est «susceptible de contrevenir au droit international», la feuille de récolte des signatures devrait contenir un avertissement, où figurerait explicitement le risque d’invalidation.

Si le texte n’était pas conforme à «l’essence des droits fondamentaux constitutionnels», comme par exemple, nous dit-on dans 24 heures du 9 novembre, la réintroduction de la peine de mort, l’initiative pourrait être invalidée, de même qu’une initiative «contraire aux règles impératives du droit international, comme par exemple l’abolition de l’égalité entre les femmes et les hommes ou la réintroduction de l’esclavage».

Ce n’est certes pas la première fois que le monde politique officiel cherche à limiter les droits populaires. Le Parlement a le référendum en horreur, pour des motifs bien compréhensibles car un référendum qui aboutit au rejet d’une loi qu’il avait adoptée constitue une atteinte à son crédit, à tout le moins à la représentativité dont il se vante.

Le succès d’une initiative populaire l’irrite plus encore, car il est la démonstration éclatante du fossé entre le pays légal et le pays réel.

Tout ce petit monde se proclame démocrate, mais le peuple, surtout lorsqu’il ne suit pas les mots d’ordre des partis, l’irrite.

Lorsque le peuple ne vote pas dans le sens souhaité par les gourous fédéraux, c’est qu’il s’est trompé, qu’il n’a pas été suffisamment informé ou qu’il a, à tort, négligé nos engagements de droit international.

Mais qu’est-ce donc que ce droit international si ce n’est un engagement que nous avons pris à l’égard d’autres Etats pour un temps déterminé ou indéterminé mais sous réserve de dénonciation ?

Tous les traités qui ne nous conviennent plus peuvent être dénoncés, moyennant un délai, comme peuvent être dénoncés un contrat de bail à loyer ou une convention collective de travail, même étendue.

Pourquoi ne pas évoquer cette possibilité, en signalant que, si le peuple suisse adopte une règle de rang constitutionnel qui n’est pas compatible avec un traité international qui nous lie, alors il faudra dénoncer ce traité pour sa plus proche échéance avant d’introduire la norme constitutionnelle en question?

Il n’y aurait, dans cette hypothèse, aucune violation des engagements pris, aucune perte de crédibilité, aucun affaiblissement des valeurs défendues jusqu’à présent, mais une réaffirmation de notre indépendance et de notre souveraineté.

Pour un démocrate, ni les juristes du Palais fédéral ni même les juges de Mon-Repos ne sont habilités à décréter qu’une initiative approuvée par le peuple doit être invalidée parce qu’elle violerait tel traité international. Et tous les traités doivent être ratifiés sous la réserve d’une décision du peuple qui rendrait le traité inapplicable.

Le peuple a-t-il donc toujours raison? Un démocrate doit le croire.

Pour moi, le sentiment du peuple ne saurait primer le droit naturel. Il doit en revanche s’imposer même contre ce qu’on nomme pompeusement le droit international. Parce que chacun sait que le droit international, en fait, n’existe pas. On a pu le vérifier récemment en Libye et même au sein de l’Union européenne.

Claude Paschoud

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