Héros à deux balles

Le 23 mars 1944, une attaque menée à la Via Rasella de Rome contre un régiment de police allemand par les résistants italiens des Groupes d'action patriotiques faisait trente-trois morts et cent dix blessés parmi les militaires, ainsi que deux victimes civiles.

Le 24 mars 1944, trois cent trente-cinq otages italiens étaient fusillés en représailles. Erich Priebke était l'un des exécutants. Condamné en 1998 en Italie à la prison à vie pour crime de guerre, il purgeait sa peine «à domicile», à Rome, chez son avocat, en raison de son grand âge. Il est mort le 11 octobre peu après son centième anniversaire. Ses funérailles ont posé toutes sortes de problèmes qui ont permis aux bons apôtres de service, majorité du clergé comprise, de faire une nouvelle fois la preuve de leur hypocrisie, de leur duplicité et de leur lâcheté, le tout reflété par les comptes rendus de presse.

Que penser de gens qui s'acharnent sur un mort au point de vouloir le priver de funérailles décentes? de lui refuser un lieu de sépulture? Oh! bien sûr, il faut préserver l'ordre public et se protéger de l'accusation qui tue: être suspect de sympathies nazies. Et puis, tous les curés à la page savent que le Christ n'aurait jamais prôné, encore moins pratiqué, le pardon des offenses, fût-ce à titre posthume, à l'égard d'un officier allemand de rang intermédiaire  – Priebke était Hauptsturmführer, ce qui correspond à capitaine –, qui avait choisi d'obéir aux ordres. Il va de soi que tous ses contempteurs auraient trouvé normal que des camarades et des compatriotes fussent abattus par des résistants ennemis et auraient préféré mourir plutôt que de participer aux représailles!

Certains comptes rendus de presse donnent à penser que les Allemands ont, le 24 mars 1944, fusillé les otages pour le simple plaisir, par pur sadisme. D'autres, plus honnêtes ou moins malhonnêtes, expliquent que les otages furent fusillés à la suite d'un attentat perpétré par des résistants contre une unité allemande. Mais tous oublient ou ignorent, ce qui est tout aussi grave, que les partisans ne pouvaient pas ne pas connaître les suites de leur attentat. Ils savaient qu'ils envoyaient à la mort des centaines de civils innocents. Cela n'excuse pas le massacre et ne fait pas de ceux qui y procédèrent des petits saints, mais cela relativise tout de même le caractère glorieux d'une attaque qui ne fit pas une seule victime dans les rangs des «héroïques» résistants.

Quand donc se décidera-t-on à replacer les événements dans le contexte d'une guerre impitoyable, au cours de laquelle tous les protagonistes se sont rendus coupables d'atrocités?

M.P.

Thèmes associés: Coups de griffe - Révisionnisme

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