Droits fondamentaux et surveillance secrète des assurés

Notre Constitution fédérale dresse un catalogue des droits fondamentaux1 parmi lesquels2, pour chaque personne,  le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, etc.

L'article 36 de notre Charte fondamentale précise encore que toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. C'est précisément cette base légale qui faisait défaut jusqu'à aujourd'hui pour permettre aux assureurs de placer leurs assurés sous surveillance secrète, et c'est cette lacune que le Parlement a voulu combler par la modification de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA)3 adoptée le 16 mars, modification combattue par un référendum.

Mais la Constitution ajoute que toute restriction d'un droit fondamental (et la surveillance secrète d'un assuré est assurément une restriction à son droit fondamental à la vie privée) doit être justifiée par un intérêt public (la lutte contre la fraude à l'assurance remplit certainement cette condition) et doit être proportionnée au but visé.

Si la loi entre en vigueur, ce sont les statistiques qui nous diront, dans quelques années, si le nombre de fraudeurs attrapés et les sommes économisées justifiaient le nombre et le coût des surveillances secrètes entreprises. Sachant le goût des honnêtes citoyens pour la surveillance de leurs voisins et pour la dénonciation des autres (puisqu'il existe même des officines qui se vouent à la délation), je suis peu rassuré par la règle qui précise que des investigations secrètes ne pourront être ordonnées que s'il existe des indices concrets laissant présumer qu'un assuré perçoit ou tente de percevoir indûment des prestations.

Une lettre anonyme d'un voisin jaloux constituerait, à n'en pas douter, un indice concret suffisant pour justifier le branchement des caméras (par la seule décision d'un directeur d'assurance) ou l'installation discrète d'un émetteur GPS sur la voiture d'un suspect, avec l'autorisation du tribunal.

Je ne suis pas certain que la traque des fraudeurs aux assurances sociales rapportera plus que la traque (actuellement fort modeste) des fraudeurs fiscaux.

C. P.

 

1 art 7 à 36 Cst. RS 101.

2 art 13 Cst.

3RS 830.1.

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