Le cas Mila
Mila est cette jeune fille de seize ans, lesbienne aux chevaux violets, qui a violemment critiqué l'islam sur les réseaux sociaux. Immédiatement, elle a été la cible d'une campagne haineuse et de menaces de mort, qui ont entraîné sa déscolarisation. On l'a invitée sur les plateaux de télé, où elle a maintenu sa position et la France est aujourd'hui divisée sur la question du droit au blasphème.
En France, le délit de blasphème n'existe plus depuis la loi sur la presse de 1881, mais la jurisprudence est subtile depuis l'introduction de la loi Gayssot-Pleven, qui correspond à notre article 261bis du Code pénal suisse: la loi punit les délits d'injure, de diffamation et de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination en raison de l'appartenance ou de la non-appartenance à une religion.
En France, il est possible d'insulter une religion, ses figures et ses symboles, il est en revanche interdit d'insulter les adeptes d'une religion.
La frontière est subtile. Lorsque Mila dit que l'islam est une religion de merde et que son dieu, elle lui fout le doigt dans le c**, elle insulte incontestablement la religion des musulmans, mais elle peut être également considérée, selon la justice pénale qui a ouvert une instruction contre elle, comme méprisant les musulmans eux-mêmes et provoquant la haine contre eux.
D'ailleurs, le 25 octobre 2018, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a validé la condamnation pour blasphème d'Elisabeth Sabaditsch-Wolff, personnalité autrichienne qui avait qualifié le prophète Mahomet de «pédophile» lors d'une conférence du parti d'extrême-droite FP– en 2009. La CEDH a estimé que cette déclaration menaçait la préservation de la paix religieuse.
Cette observation de la conférencière était pourtant conforme à la vérité, car il n'est pas nié que le prophète a épousé Aïcha lorsqu'elle avait six ou sept ans et qu'il consomma le mariage lorsqu'elle fut pubère, vers neuf ou dix ans.
Mais ce qu'on peut constater aujourd'hui, c'est que la liberté d'expression s'arrête au moment où la parole pourrait faire de la peine à quelqu'un, à condition que ce quelqu'un fasse partie d'une minorité prétendument brimée: musulmans ou juifs en pays catholique, femmes dans un milieu essentiellement masculin, homosexuels dans une société principalement hétéro, etc..
Là, ce n'est pas l'intention de l'auteur qui est prise en compte, mais la douleur ressentie par la «victime». Plusieurs Etats, dont la Suisse, ont même introduit dans leur législation une interdiction de remettre en question certaines affirmations, au motif que leur abandon serait non seulement préjudiciable à ceux qui les ont propagées, mais aussi à tous ceux qui, de bonne foi, les ont crus. Et la réalité des faits n'est jamais étudiée.
Claude Paschoud
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