Votations fédérales
Les cinq objets proposés à notre sagacité le 27 septembre prochain semblent n'avoir aucun lien entre eux. Mais les recommandations du Conseil fédéral et du Parlement nous permettent de comprendre la philosophie de l'establishment et sa vision du citoyen modèle.
Le confort contre la liberté
Les autorités et tous les partis, sauf l'Union démocratique du centre (UDC), se sont dressés avec une belle unanimité contre l'initiative pour une immigration modérée, dont l'adoption serait de nature, il est vrai, à remettre en cause l'Accord sur la libre circulation et à indisposer les barons de l'Union européenne.
Pour les adversaires de cette initiative, la Suisse est constituée non pas de libres citoyens, mais de consommateurs, et de salariés dépendant de près ou de loin de la prospérité des industries d'exportation. En cas d'acceptation de l'initiative, des négociations devraient être engagées avec l'UE pour éviter que la «clause guillotine» ne rende caducs six autres traités de moindre importance, mais le Conseil fédéral ne croit pas au succès de ces négociations. «Il n'est pas réaliste de penser que de telles négociations puissent aboutir», dit-il.
En partant perdant, on perd inévitablement.
Le pessimisme des autorités est peut-être justifié. Nous sommes peut-être déjà un satellite de l'Union européenne et nous n'avons peut-être plus le droit de discuter ses ukases. Le véritable pouvoir n'est plus exercé à Berne par des députés librement élus par de libres citoyens, mais à Bruxelles par un aréopage de commissaires élus par personne.
Etienne de la Boétie, l'ami de Montaigne, a écrit: «Il y a en l'homme une préférence pour la servitude volontaire, parce que la servitude est confortable et qu'elle rend irresponsable.»
La fascination du loup
On se demande les motivations de ceux qui ont introduit le loup en Suisse et pourquoi ces ennemis du fédéralisme ont fait courir le bruit que cet animal avait franchi spontanément les frontières, comme n'importe quel requérant d'asile.
La nouvelle loi sur la chasse, soumise au vote à la suite d'un référendum, ne traite pas que du loup, mais cet animal mythique en est l'acteur principal. La gauche et les Verts se dressent contre une loi dite «d'abattage» parce que les cantons pourront autoriser des tirs «de régulation», notamment du loup, avant même qu'il ait mangé le troupeau de moutons et le petit Chaperon rouge au dessert.
L'épanouissement par le travail
Le citoyen modèle qui se dessine dans le Message visant la troisième votation est une citoyenne, mais surtout une femme libre et active qui se réalise dans une activité professionnelle exigeante, plus de deux jours par semaine.
Obligée de confier ses enfants à un tiers contre paiement (par exemple une maman de jour ou une crèche), elle ne peut, pour l'instant, déduire de son revenu imposable pour l'impôt fédéral direct qu'un montant annuel de Fr. 10'100.- (deux jours de garde) alors qu'une déduction autorisée de Fr. 25'000.- lui permettrait de «sous-traiter» la garde (et l'éducation) de ses enfants toute la semaine.
Curieusement, seule la gauche (et bien sûr les Verts) s'oppose à ce projet, alors qu'elle milite pour l'émancipation de la femme et lutte contre son aliénation dans les humbles tâches éducatives et ménagères.
Payé pour être papa?
J'ai déjà exposé sur mon blog1 pourquoi cet objet était une parfaite illustration du proverbe «Du cuir d'autrui faisons large courroie!» Il convient de rappeler, en outre, que le congé accordé aux mères est destiné, durant les quatorze semaines qui suivent l'accouchement, à leur permettre de s'occuper de leur bébé à temps plein et de se remettre des fatigues de la grossesse.
Un bébé ne distingue pas, dans les premières semaines de son existence, l'identité de celui ou celle qui prend soin de lui. Seul lui importe qu'on s'occupe de lui: père, mère, grand-parent, nounou ou louve nourricière, qu'importe.
S'il pouvait être utile qu'un père noue une relation directe et particulière avec son enfant, et organise avec lui une activité d'une ou deux semaines, ce ne serait dans tous les cas pas dans les six premiers mois de l'enfant, mais plutôt lorsque sa fille aura dix ans ou son fils quinze ans.
Jusque là, il y a les soirées, les week-ends, les vacances, pendant lesquels papa peut s'exercer à changer les couches, à donner le biberon, à bercer bébé et à lui raconter une histoire.
Qu'en est-il de notre neutralité?
J'ai déjà dénoncé à plusieurs reprises la servilité avec laquelle le Conseil fédéral applique les sanctions économiques, politiques et personnelles décrétées par l'ONU à l'égard d'Etats ou de particuliers qui ne nous ont causé aucun tort, en justifiant ces entorses grossières à notre neutralité par la loi fédérale sur l'application de sanctions internationales (loi sur les embargos)2.
J'ai approuvé l'arrêté fédéral relatif à l'acquisition de nouveaux avions de combat par, je l'avoue, réflexe pavlovien d'ancien capitaine dans l'infanterie, las des comparaisons imbéciles de la gauche sur le nombre d'hôpitaux qu'on pourrait ériger avec le budget prévu pour ces avions et confiant dans l'avis de nos experts, qui disent que notre aviation peut apporter un appui de feu nécessaire à l'infanterie en cas de combat terrestre.
Mais l'hypothèse de Slobodan Despot dans le n° 249 de l'excellente Antipresse me plonge dans la perplexité: se pourrait-il, comme le soutient Despot, que l'achat d'avions de combat soit «une rançon versée pour la sécurité helvétique dans le cadre du racket de l'OTAN»?...
L'auteur poursuit: Si le gouvernement et les partis se souciaient de la Constitution, la votation du 27 septembre ne concernerait pas un point technique, mais un point de principe: êtes-vous pour ou contre notre intégration à l'OTAN? Il n'y aurait pas de mal à opérer un choix, somme toute, naturel vu les relations économiques et la position géographique du pays. C'est l'hypocrisie de la fausse «neutralité» qui brouille tout. Tant que cette question n'est pas posée, la discussion sur les moyens à engager sera une diversion et une tromperie (…).
On ne saurait lui donner tort!
Claude Paschoud
1 www.claude-paschoud.ch repris comme bonus dans le Pamphlet le 26.6.2019.
2 RS 946.231.
Thèmes associés: Armée - Environnement - Immigration - Politique fédérale
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