L'armée pour tous
Depuis le début de l'année, l'armée suisse a un nouveau chef, le commandant de corps Thomas Süssli, qui est un homme moderne et possède donc un blogue1. Comme il n'a pas les yeux dans sa poche, il constate que l'armée est en passe de manquer de personnel et le dit sur son blogue. Il s'interroge: «Comment allons-nous pouvoir recruter à l'avenir suffisamment de spécialistes pour faire fonctionner l'armée en tant que système global?»
Etant un homme intelligent, il pense qu'on n'est pas obligé de faire comme on a toujours fait, à savoir n'engager dans notre force de défense que des Suisses, et imagine «l'armée pour tous» – comme d'autres ont inventé «le mariage pour tous» –, c'est-à-dire aussi pour les étrangers:
Il ne faut peut-être pas chercher si loin pour voir s'esquisser une solution possible: dans l'administration militaire, beaucoup de collaboratrices et de collaborateurs ne sont, aujourd'hui déjà, pas des citoyens suisses. Ils disposent d'un permis de travail et ont passé un contrôle de sécurité relatif à la personne. Si les domaines particulièrement sensibles sont réservés aux citoyens et citoyennes suisses, des ressortissantes et ressortissants étrangers travaillent déjà aussi bien dans le domaine de la formation que dans des projets informatiques et dans l'administration en général.
Au-delà de la menace qu'il constitue pour mes amis les arbres, ce passage donne une assez bonne idée du style enclume qu'engendre le recours au démagogique langage inclusif. Mais laissons là cette bagatelle: après tout, le chef de l'armée n'est pas censé faire de la littérature élégante, pas plus que son traducteur, d'ailleurs.
Je pense que le commandant de corps Süssi a raison. Il y a dans notre pays quantité d'étrangers très attachés à la Suisse qui ne demanderaient pas mieux que d'occuper des fonctions liées à l'armée.
Après avoir lu attentivement et plusieurs fois la prose du chef de l'armée, j'ai un peu l'impression que ce dernier parle tantôt de fonctions permanentes tantôt d'engagements ponctuels au sein des écoles de recrues et d'avancement ou dans les cours de répétition.
Dans le premier cas, l'idée n'est pas nouvelle puisqu'il y a déjà des étrangers dans l'administration militaire et dans d'autres domaines.
Il en va tout autrement dans le second cas de figure. Il s'agirait alors d'intégrer des civils étrangers à des écoles ou des unités, pour assumer «les tâches de base», qui «sont un soutien qui n'est pas déterminant lors des engagements de l'armée», à savoir «principalement la formation, la logistique de base et l'administration militaire».
On peut diverger d'avis sur le caractère déterminant des «tâches de base», mais une chose est sûre: pour les assumer, ces tâches, et avant de les confier à des «personnes sans passeport à croix blanche», on pourrait enfin employer intelligemment les «civilistes» en troquant le service civil contre un «service de base pas déterminant» des plus satisfaisants.
M. P.
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