Absurdité ecclésiastique
Le 19 avril, la Confédération a procédé à un assouplissement des mesures de lutte contre le coronavirus1.
En ce qui concerne les rassemblements dans l'espace public, la règle qui prévaut est la suivante: «Dans l'espace public (par exemple sur les sentiers, dans les parcs ou sur les places), les rassemblements de plus de 15 personnes sont interdits.»
Pour ce qui est des manifestations publiques, «les manifestations sans public rassemblant plus de 15 personnes sont interdites». Là, on commence à perdre un peu le fil: des manifestations publiques sans public? Quésaco? Soyons charitables et partons de l'idée qu'il s'agit d'une erreur de traduction de l'Office fédéral de la santé publique, notre célèbre et bien-aimé OFSP.
Par bonheur, des exceptions sont admises, parmi lesquelles les manifestations religieuses, qui peuvent accueillir jusqu'à cinquante personnes à l'intérieur et cent à l'extérieur, ainsi que les assemblées législatives et communales, auxquelles s'ajoutent diverses manifestations politiques.
Forte de ces bonnes nouvelles, une paroisse du canton de Vaud a décidé d'organiser son assemblée paroissiale de printemps le dimanche 2 mai, dans son église, à l'issue du culte. Toutefois, ne voulant pas courir le risque de violer les règles covidiennes en vigueur et d'attirer des ennuis à sa communauté, la présidente de l'assemblée s'est tournée vers un membre du Conseil synodal pour s'assurer qu'elle pouvait aller de l'avant.
Erreur fatale! Après avoir pris ses ordres à Berne, le conseiller en question a répondu en substance que les rencontres – une assemblée paroissiale n'est pas une manifestation religieuse, mais une simple réunion –, même à l'intérieur des églises, ne devaient pas rassembler plus de quinze personnes; et d'ajouter que les Eglises n'avaient rien à voir avec la politique.
Pour comprendre la portée de ce dernier argument, il faut savoir que les manifestations politiques telles que les récoltes de signatures pour les référendums et les initiatives ou les opérations «destinées à la formation de l'opinion politique (manifestations d'information sur les projets de votation)» bénéficient d'une autorisation de réunir jusqu'à cinquante personnes, au nom de la démocratie, probablement.
Admettons, quoiqu'avec réticence, que les Eglises n'ont rien à voir avec la politique et oublions les cultes consacrés de manière tendancieuse aux sujets à la mode.
Demandons-nous plutôt si une assemblée paroissiale n'entre pas dans la catégorie des assemblées législatives.
En tout état de cause, la paroisse dont je vous parle s'est trouvée dans une situation absurde, pour ne pas dire abracadabrante: autorisée, le dimanche 2 mai, à rassembler entre 10 heures et 11 heures du matin une quarantaine de personnes (à tout casser!) venues à l'église assister au culte dans le strictissime respect des règles anti-covid, elle s'est vue contrainte de renoncer à une assemblée qui devait se tenir de 11 heures à midi environ au même endroit, avec les mêmes personnes, assises à la même place, dans le même respect des mesures sanitaires.
Comme elle devait avoir lieu impérativement pour des raisons statutaires, l'assemblée paroissiale s'est faite par correspondance, avec tout ce que cela implique de paperasse, de mise sous pli, de frais postaux et de temps perdu.
Après cela, on s'étonnera que les bénévoles qui se dévouent dans les paroisses éprouvent peu d'estime pour les autorités cantonales de l'Eglise réformée vaudoise, timorées et caporalistes, qui ne sont même pas capables de faire preuve d'un minimum de bon sens et d'audace.
Au fait, comment s'appelait-il, déjà, ce type qui enguirlandait les pharisiens et bravait les chefs du peuple juif, avant de mourir sur une croix?
M. P.
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