La chronique irrégulière du libéral
Malgré tous mes efforts, qui sont allés jusqu'à solliciter l'avis d'une députée se désignant comme «verte - violette», pourtant animé par une sincère tentative de résoudre un vrai faux problème, je suis bien obligé d'admettre que l'écriture inclusive m'irrite au plus haut point. Mon modeste billet n'arrivera pas à la cheville de l'excellent article de Jean-François Revel, publié dans ces colonnes dans l'édition d'avril 2021, auquel j'aime à me référer. Il pose élégamment les bases de ce débat qui faisait déjà rage il y a plus de vingt ans. Tout est dit et bien dit. L'Académicien ne s'offusquait pourtant que de l'écriture épicène, qui paraît aujourd'hui bien pâlotte face à son prolongement idéologique radical qu'est l'écriture dite inclusive, dont la laideur ferait fuir n'importe quel écolier de primaire un tant soit peu sensible, tant elle est dogmatique et absurde.
Je n'ai, que ce soit clair dès le départ, aucune objection à formuler quant à l'égalité des sexes, encore que la notion mériterait d'être définie avec soin, afin d'éviter l'écueil amenant inévitablement à confondre ce qui relève du domaine des substantifs avec les nécessaires ajustements de notre société. S'il ne m'apparaît pas absurde de proposer aux étudiants des auteurs féminins au nom de la représentativité, il serait dangereusement contreproductif de céder à la mode des normes, qui se nivellent bien trop souvent par le bas. En littérature, comme en politique, la représentativité n'a de sens que si elle est qualitative. Je ne résiste pas à l'envie de citer Oscar Wilde: «L'appellation de livre moral ou immoral ne répond à rien. Un livre est bien écrit ou mal écrit, et c'est tout.» De la même manière, ce n'est jamais tant l'auteur qui compte, mais bien ce qu'il dit, et comment.
La grande supercherie, c'est d'affirmer que la langue française serait sexiste, alors que le présent débat ne porte sur rien d'autre que la grammaire. Il n'y a pas de symbolique cachée, juste une histoire, et un fait: le neutre, dans notre langue, s'écrit le plus souvent au masculin, et le pluriel s'accorde sans qu'il soit indispensable d'en déduire les preuves d'un inadmissible machisme. En se trompant de combat, à tant vouloir souligner ce soi-disant rapport de force, l'effet est contraire à celui escompté: il l'alimente inutilement. Nous comprenons tous, me référant par exemple au parti «Les Verts», que j'y inclus implicitement et sans effort particulier les femmes qui le composent. Cela relève de la convention grammaticale; cessons de nous prendre pour des idiots illettrés. Le tragique, dans cette doxa sortie de nulle part d'autre que de l'air du temps, c'est qu'en prétendant réparer une injustice, on renforce l'idée absurde que le neutre est masculin, comme le serait le pluriel.
A titre de remède à cette vaine controverse, s'il s'avérait qu'il fût vraiment si insupportable d'admettre ces conventions – qui me semblaient pourtant relativement simples et compréhensibles –, demeurent deux solutions: soit s'arranger avec le style en choisissant des tournures visant à ce que le masculin ne puisse jamais l'emporter faute d'autre solution, «les membres du parti écologiste», soit ajouter une sorte de ponctuation absurdement lourde. Ainsi, les Verts deviennent les Vert.e.s. La cause des femmes serait donc sauve grâce à ce brillant stratagème. Mais gare à nous! C'est encore par trop discriminant: cette noble inclusion est incomplète, hautement entachée d'une insensée binarité excluant les non-genrés! Il convient donc d'écrire plus juste: Les Vert.e.x.s. Ce x, dont on ignore d'où il pourrait bien sortir, rétablit enfin la pleine justice grammaticale! Comment les grands auteurs ont-ils pu à ce point et si longtemps ignorer le non-genre?
Nul besoin d'en dire plus. Cessons ici ces divagations de vieux.eille.x.s grognons.nne.x.s et souhaitons aux lecteur.trice.x.s bien du plaisir, avec en prime le privilège de lire leurs auteur.trice.x.s préféré.e.x.s la conscience tranquille: l'égalité est préservée.
A. E.
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