Editorial

La situation économique est chaotique. La crise sanitaire a laissé les Etats encore plus surendettés qu'ils ne l'étaient auparavant, les prix des énergies s'envolent, entraînant une inflation galopante, et le conflit d'Ukraine ne vient rien arranger.

Alors qu'en février la Banque centrale européenne laissait entendre qu'une hausse des taux directeurs pourrait intervenir durant l'année 2022, le mois de mars n'a vu l'arrivée d'aucun changement.

Revenons rapidement sur les mécanismes basiques qui permettent aux banques centrales d'agir pour influencer les prix: lorsque l'économie va bien, que les consommateurs ont du travail, et donc des moyens, la demande en biens et services croît et en vient à dépasser l'offre. La conséquence est une augmentation des prix; c'est l'inflation. On considère qu'une inflation modérée n'est pas un problème. Mais lorsque la machine s'emballe, il faut la freiner et, pour ce faire, les banques centrales ont à leur disposition certains outils, dont le taux de refinancement auquel elles prêtent aux banques commerciales. Lorsque ces taux montent, tous les types de crédits1 font de même. Ainsi, si le prix des crédits augmente, les ménages et les entreprises auront tendance à réduire leurs achats et investissements, ce qui fait baisser la demande et inverse la tendance inflationniste.

Mais la situation actuelle ne répond pas entièrement à ce schéma. S'il est vrai qu'une partie de l'inflation peut être attribuée à la forte demande, conséquence directe de l'accumulation de l'épargne durant la pandémie, situation provisoire, elle est surtout la conséquence de la croissance du prix de l'énergie, qui est subie par tous les acteurs économiques.

On n'a donc pas une hausse des prix due à un excès de demande qu'il faut réfréner, mais à une augmentation des coûts de production. Remonter les taux directeurs dans cette situation ne pourrait pas avoir les effets espérés et n'aurait pour conséquence qu'une hausse du chômage dû à la fermeture d'entreprises n'ayant plus la possibilité d'être rentables.

Un autre aspect préoccupant aujourd'hui est celui du pouvoir d'achat. Dans le cas de l'inflation «normale», liée à la bonne santé de l'économie, l'augmentation des prix s'accompagne d'une augmentation généralisée des salaires, les entreprises faisant bénéficier leurs collaborateurs des gains engrangés. Dans la situation actuelle, la montée des prix n'étant que la conséquence de nouvelles charges, il est peu probable que les revenus des employés se voient adaptés, ce qui entraînera un appauvrissement généralisé.

Quelles sont les options qui s'offrent à nous? En tout premier lieu, il est nécessaire de réduire à court terme le prix de l'électricité. On nous rebat les oreilles avec l'urgence climatique et la nécessité d'en finir avec les hydrocarbures, d'accord! Mais tant que plus de 60% de l'électricité produite dans le monde le sera au moyen de centrales qui brûlent quelque chose, le serpent continuera à se mordre la queue. La seule solution reste pour l'heure le nucléaire, qui produit il est vrai des déchets radioactifs, mais pas de gaz à effet de serre et une électricité à un prix abordable. Cette option devrait nous donner du temps pour améliorer la production solaire et investir dans la recherche sur la fusion nucléaire.

Pour que les ménages et les entreprises disposent de fonds et continuent à alimenter la machine économique, les Etats devraient entreprendre une cure d'amaigrissement, par une réduction de la charge fiscale, afin de compenser la perte de pouvoir d'achat subie.

Mais il est peu probable que l'on trouve la volonté politique de mettre en œuvre des solutions, car l'inflation a un autre effet rigolo: celui de réduire le poids de la dette. J'en connais qui ont dépassé les 100%, voire les 120% d'endettement par rapport au PIB, à la suite des mesures prises contre le Covid… suivez mon regard.

Michel Paschoud

 

1On parle ici de nouveaux financements ou de financements à taux révisables. Les crédits hypothécaires à taux fixes ne sont pas touchés

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