Editorial
A l’occasion d’une recherche sur les «assauts» qui viennent de se produire au Brésil et qui exprimaient, le plus anti-démocratiquement du monde, le mécontentement des partisans de l’ancien président d’extrême droite Jair Bolsonaro à la suite de l’élection présidentielle – qu’ils soupçonnent, à tort bien entendu, d’avoir été truquée –, je suis tombée sur le titre d’un article mis en ligne par France 24 le 16 octobre 2022, deux semaines avant le scrutin: L’indépendance de la Cour suprême au Brésil suspendue à la présidentielle1.
Il semblerait que le désormais ex-président d’extrême droite aurait envisagé, en cas de réélection, de nommer de nouveaux juges à la Cour suprême, afin que celle-ci soit plus docile à sa volonté.
Il y avait lieu de s’inquiéter, en effet, car la cour, qui compte onze membres, est composée majoritairement – sept sur onze – de juges nommés par M. Lula, membre du Parti des travailleurs (gauche), lors de son premier mandat présidentiel, et par son successeur, Mme Dilma Rousseff, destituée en cours de mandat, qui appartenait au même parti. L’indépendance de la Cour suprême était donc garantie et cela devait continuer.
Aussi est-ce pur hasard si, à la suite de différentes décisions de ladite cour, l’actuel président brésilien, condamné en première instance et en appel pour corruption et blanchiment, a pu retrouver la liberté et faire son retour dans la vie politique. Dame! le tribunal qui l’avait puni n’était pas compétent pour le faire.
Les gens font de moins en moins confiance à la justice. Faut-il s’en étonner quand on entend constamment évoquer, par exemple, une Cour suprême américaine à majorité conservatrice, un nouveau Tribunal constitutionnel espagnol à majorité progressiste et des juges présentés par des partis ou nommés par des présidents sur la base de leurs orientations politiques?
Les partisans de M. Bolsonaro ont manifesté de manière musclée leur opposition à l’élection d’un président, dont il n’est de loin pas prouvé qu’il soit innocent comme l’agneau qui vient de naître. Ils ont suivi en cela l’exemple des partisans de l’ancien président Donald Trump, qui avaient envahi le Capitole de Washington le 6 janvier 2021.
Dans les deux cas, ce fut une erreur. Non pas que la démocratie s’en soit trouvée menacée: il en faut plus pour ébranler un concept élevé au rang de religion. Mais, à chaque fois, le nouveau pouvoir en place a pu procéder à de nombreuses arrestations et, ce qui est beaucoup plus important pour lui, à un surcroît de diabolisation des hommes politiques que la foule prétendait défendre. Offrir à l’adversaire une occasion de se débarrasser d’opposants et de se poser en incarnation de la vertu politique, c’est ce qu’on appelle se tirer une balle dans le pied.
C’est ainsi que M. Lula a passé du statut de personnage pas vraiment net à celui de champion de la Démocratie, sous les applaudissements du monde politique.
Mariette Paschoud
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