Chasse aux sorcières?
Ça y est! L’ancien président Donald Trump, qui, jusqu’ici, avait réchappé de toutes les accusations portées contre lui par ses adversaires, a enfin été inculpé1. On nous dit qu’il traîne de nombreuses casseroles, mais en l’occurrence et en attendant mieux, il est accusé de fraude dans les comptes de sa campagne électorale de 2016 pour avoir versé en cachette 130'000 dollars prélevés sur son budget de campagne à une actrice pornographique avec qui il aurait eu une brève liaison. Il lui fallait, nous dit-on, acheter le silence de l’«artiste».
Je suis prête à croire que M. Trump n’est pas un enfant de chœur. Mais je doute que ce soit un imbécile. Or il faudrait l’être pour espérer faire cesser un chantage au moyen d’une somme aussi dérisoire, quand on dispose d’une fortune de 2,5 milliards de dollars2. Tenons la chose pour vraie, cependant, puisqu’un procureur – démocrate – le dit. Admettons pour la même raison que le candidat républicain au poste de quarante-cinquième président des Etats-Unis a confondu, en 2016, ses comptes personnels avec ses comptes de campagne. Toutes proportions gardées, il se trouverait dans une situation comparable à celle d’un entrepreneur détenteur d’une fortune personnelle de 250’000 francs qui, au lieu d’utiliser ses propres fonds, se servirait dans la caisse de son entreprise sous prétexte qu’un maître chanteur lui réclame 13 francs pour prix de son silence. Ce serait très vilain, ce serait immoral, ce serait malhonnête, ce serait condamnable, ce serait punissable, mais ce serait considéré comme un péché véniel. Chez Donald Trump, c’est un péché mortel.
Une qui n’est pas maligne, en tout cas, c’est «l’actrice de films pour adultes», selon l’expression pudique d’un présentateur de la TV espagnole, qui n’a pas profité de l’occasion pour s’en mettre plein les poches. A quoi sert-il d’avoir sous la main un citron milliardaire à presser si on n’en extrait qu’une gouttelette? Je ne me risquerai pas à des hypothèses «complotistes», mais je trouve cette modération bien étrange…
En tout état de cause – et je ne suis de loin pas la seule à poser la question – on ne peut s’empêcher de se demander si, comme il le prétend, Donald Trump n’est pas victime d’une chasse aux sorcières.
En effet, le souci de moralité qui habite le monde politique et judiciaire démocrate américain en ce moment paraît quelque peu suspect.
En cherchant bien, avec la volonté de nuire, on trouve toujours quelque chose de pas très joli dans la vie d’un individu, en particulier dans la jungle électorale qu’est le monde politique.
Même si la liaison du président John Kennedy avec Marylin Monroe relevait des ragots de gazettes, que n’en aurait-on pas tiré si on avait voulu éjecter JFK de la Maison Blanche avant son assassinat?
La liaison du président Bill Clinton avec Monica Lewinski n’aurait-elle pas abouti à la destitution du volage si on avait vraiment souhaité le renvoyer à ses chères études?
Les errements des familiers du président Biden n’éclabousseraient-ils pas ce dernier si on voulait l’envoyer sucrer les fraises dans le Delaware plutôt que le laisser se représenter en 2024?
Je ne pense pas que Donald Trump soit meilleur ou pire que les précédents, mais il souffre d’une tare rédhibitoire: il prétend briguer de nouveau la présidence l’année prochaine et ses chances de succès sont tout sauf négligeables. Il importe donc de le rendre inéligible.
La compétition qui oppose un vieillard démocrate tremblotant, dont certaines mauvaises langues prétendent qu’il est gaga, et un vieillard républicain irrévérencieux, dont d’autres mauvaises langues disent qu’il est fou, a quelque chose de comique et de désolant.
On se prend à souhaiter qu’à partir d’un certain âge les politiciens cessent de s’accrocher au pouvoir et laissent la place aux générations suivantes, dont les membres, à défaut d’être meilleurs, auront, faute de temps, accumulé moins de casseroles.
M. P.
1 20 minutes du 6 avril.
2 https://www.forbes.com/sites/danalexander/article/the-definitive-networth-of-donaldtrump
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