Que penser de l’exhortation papale sur la crise climatique?
Huit ans après avoir publié une encyclique à propos de développement durable et intégral1, le pape François adresse une exhortation à tous les peuples de la Terre au sujet de la crise climatique2. N’est-il pas en train de révéler sa faillibilité? Il sort en tous cas de son domaine de compétence pour aborder les choses du monde physique, comme il a pu le comprendre en se laissant conseiller par des experts qui ne l’ont pas instruit des incertitudes scientifiques mais qui lui ont plutôt inculqué des convictions devenues inébranlables.
Il adopte sans aucune réserve les thèses les plus catégoriques prononcées par des scientifiques cooptés dans cette sorte de congrégation pour une doctrine de la foi climatique nommée GIEC. Il résume les observations du climat de manière simpliste et attribue le réchauffement presque exclusivement à des causes anthropogéniques. Aucune incertitude, aucune critique des exagérations et lacunes des modèles du climat, aucun doute sur l’utilisation de scénarios de référence irréalistes (RCP 8.5 et SSP5-8.5 pour les initiés) servant d’épouvantail pour décrire un monde en perte et motiver à l’action massive et immédiate dont il ne doute pas non plus qu’elle résoudra le problème. Serait-il devenu un matérialiste?
Il fustige le paradigme technocratique qui abîme irrémédiablement la nature (encore heureux qu’il l’écrive avec un n minuscule) mais exige que ce paradigme fasse mieux, tout en modérant ses ardeurs. Les solutions techniques de capture et séquestration du CO2 et celles d’adaptation à des conditions réchauffées ne seraient que du colmatage et du bricolage. Il veut de la contrainte pour que se fasse vraiment la «transition énergétique», mais il ne sait dire ni par qui ni comment de tels mécanismes de loi et d’ordre seraient édictés, mis en œuvre et contrôlés.
Il donne même dans le marxisme primaire en accusant «ceux qui disposent de plus de ressources» de tromper et d’exploiter les autres. Je croyais pourtant que son Sauveur accordait aussi sa bienveillance aux riches. Les notions de risque/bénéfice et de risque/risque lui sont étrangères, il ignore donc que des arbitrages sont nécessaires, même entre des vœux pieux mais contradictoires, et en devant accepter que ce soit tragique. Cela signifie-t-il que, théologiquement, il réfute le péché originel et les affres de la condition humaine?
Il prône une diplomatie multilatérale et tombe alors dans l’incantation qui en fait la louange si elle se créait «d’en bas», par des voies démocratiques. C’est comme du bla-bla onusien entretenu par des intelligentsias hors sol qui volent d’une conférence à l’autre sans jamais considérer le poids de l’action et ses contraintes dimensionnelles. Il n’y a rien de concret là-dedans sinon qu’il souligne la capacité de «puissances émergentes» à «obtenir des résultats significatifs dans la résolution de problèmes concrets», par exemple lors de la récente pandémie. Il oublie que ces dites puissances et cette gestion de crise pandémique n’ont surtout pas démontré les qualités de démocraties venant «d’en bas». On pourrait même se demander si la naïveté qu’il montre à l’endroit des relations internationale est feinte ou si c’est une conviction sincère.
Ses «motivations spirituelles» me paraissent bien étroites. Il semble même minimiser la singularité de la conscience humaine face à la nature. Faudrait-il en être plus le serviteur que le gardien? Il appelle au collectif sans plus même parler du salut de l’âme de chacun (je ne sais pas où en est son catéchisme à cet endroit). Il donne dans le «nous nous repensons pour nous comprendre d’une manière plus humble et plus riche». Cela ressemble fort aux mouvements alternatifs qui ne cessent de repenser le Monde, avec aussi la ritournelle «pas de changement durable sans changement culturel» et «pas de changement culturel sans changement chez les personnes». On se croit au forum social de Porto Alegre plutôt qu’au Saint-Siège. Prône-t-il ainsi un néo-soviétisme combinant la contrainte à la transition énergétique avec la constitution d’un homme nouveau?
Son dernier point interpelle:
73. «Louez Dieu» est le nom de cette lettre. Parce qu’un être humain qui prétend prendre la place de Dieu devient le pire danger pour lui-même.
Ne fait-il pas cela tout au long de cette exhortation?
Caveat:
Mon propos n’est pas ici de «manger du curé» mais de critiquer le message de l’un des plus importants influenceurs du monde. Ce serait aussi trop long de citer les passages avec lesquels je suis substantiellement d’accord avec ce qu’il exprime. Si des fidèles catholiques sont choqués de mes propos je les prie donc de m’en excuser. Ne partageant pas les dogmes et la confession du pape, j’ai néanmoins de l’estime pour son institution et les personnalités contemporaines qui l’ont incarnée, même si je me permets une certaine ironie et si je m’amuse, m’énerve ou me scandalise de ses règles, rites, coutumes et pratiques. Je ne suis cependant pas de ceux qui attendent de son Eglise qu’elle se saborde en se soumettant à une soi-disant modernité qui n’a aucun apanage, ni du bon ni du bien. On ne demande pas à un chat de perdre sa félinité pour devenir un chien, ni à Paul de redevenir Saul.
Michel de Rougemont
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1 Laudato si’ (24 mai 2015) | François (vatican.va).
Voir aussi mon article de blog: Une encyclique écologiste – MR’s Blog.
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