Les perversités de la guerre d’aujourd’hui
Nous connaissions jusqu’à présent cinq théâtres d’opérations. Pour les citer, la guerre sur la mer, sur terre, dans l’air, dans l’espace (2019) et dans le cyberespace (2016). Nouvellement introduite par l’OTAN et les Etats-Unis, la guerre de la sphère humaine.
De quoi s’agit-il?
En 2020, plusieurs réflexions menées au sein de l’OTAN conduisirent des experts, et notamment le ltCol François du Cluzel, à définir ce nouveau théâtre d’opération. Basé sur toute une série de recherches en psychologie et notamment sur l’expérience du très célèbre Stanley Milgram – soumission à l’autorité, il s’agit de s’attaquer au cerveau du soldat qui manie un char d’assaut ou une arme. Quoi de plus beau et de plus efficace que de supprimer dans la tête des militaires l’envie de se battre? Ainsi s’ouvre une nouvelle forme de bataille, la guerre contre la sphère humaine. Cette façon de contrer l’adversaire est contenue dans le Soft Power, lequel peut évidemment déboucher sur le Hard Power, cette dernière façon utilisant alors la violence.
Le Soft Power vise donc à influencer l’être humain de telle façon qu’il ne s’en aperçoive pas. Il existe en effet toute une série d’approches cognitives qui ont pour cible la partie cachée de chaque personne (en référence à la pyramide de Maslow).
Cette planification, nommée weaponization of neurosciences, est menée par le Centre de communication et de cyberexperts. En 2020 fut publié un document qui décrit cette nouvelle forme de guerre sous le titre de Warfighting 20241. L’objectif de ces travaux consiste à influencer une nation et/ou à la déstabiliser.
Quelques outils sont déjà mis en place et se structurent sur trois volets: tout d’abord, agir sur l’inconscient des gens en manipulant l’information de telle façon que cela soit indétectable par les influencés. Deuxièmement, par l’utilisation de la peur, dont on a vu, au travers de l’affaire de la pandémie Covid, l’efficacité. Troisièmement, par l’emploi ouvert de la propagande. Ce dernier volet utilise toutes sortes d’outils comme la récompense, la punition, la répétition, la dénonciation du mal extrême, par exemple.
Par une répétition incessante de ces techniques, le public cible lâche prise par fatigue, mais aussi parce que l’émotion et la psychologie agissent plus efficacement que le recours à la raison.
Pendant le premier conflit mondial, les choses se transmettaient par les journaux. A l’occasion de la deuxième guerre mondiale s’ajouta la radio. Aujourd’hui, la télévision, et encore plus internet et les moyens audio-visuels, multiplient et accélèrent l’efficacité de ce travail sur le cerveau humain, dans la tête des soldats.
Comment tout cela se met-il place?
Comme cela a été testé dans l’expérience de S. Milgram, pour que la soumission à l’autorité (et aussi au système qui la sous-tend) soit optimale, il faut que le sujet expérimenté (la population soumise) ait une bonne confiance en cette autorité. On est en droit de penser que l’abêtissement qui prévaut dans nos sociétés favorise cette soumission. Supprimer le sens critique en se bornant à évoquer le quotidien, les chiens écrasés et les résultats du dernier match de football en seraient donc la forme?
En tout état de cause, on observe que tout participe à pister les citoyens de toutes les façons possibles. On jauge la pensée des gens, on perçoit les failles pour mieux manipuler les consciences et neutraliser une population. Le maillage est immense et quotidien. Il couvre tant le trafic bancaire que les achats quotidiens des gens, leur santé, les commentaires sur les réseaux sociaux. Une immense accumulation de datas, de données, rassemblées dans des outils informatiques.
Par tous les moyens, les meneurs de ces opérations cherchent à protéger les centres concentrant ces données. On comprend ainsi qu’en supprimant la monnaie physique, ce qui est dans le programme de nombreux Etats, on garantit leur existence. En abritant les richesses, si petites qu’elles puissent être, de la population, on peut donc s’assurer de leur pérennité.
L’OTAN avance une belle et bien naïve argumentation: il s’agit de préserver nos nations occidentales animées par les valeurs démocratiques contre l’horreur dictatoriale. En suivant les communiqués du WEF, en lisant les réflexions de cercles prétendant diriger la planète, on est en droit de douter de la pureté de ces intentions.
Installé à Riga, en Lettonie, un centre d’expertise en communication stratégique (Stratcom) a pour vocation d’analyser l’information et oriente la communication stratégique de l’OTAN. Le personnel de ce centre étudie comment les médias sociaux peuvent être utilisés pour servir d’arme dans la guerre hybride et rediffuse l’information selon les objectifs de l’OTAN. Dans chaque pays, des agents relaient cette «information».
On comprend maintenant pourquoi on continue à parler de guerre hybride, le but étant donc de recourir à une combinaison de moyens militaires et non militaires, le public cible étant non pas l’ennemi, mais tout d’abord les pays membres et leur population.
Ouvertement, on lit qu’il s’agit de tromper, de mélanger des moyens militaires et non militaires pour réagir à la menace hybride par l’extension de la surveillance et du renseignement. En d’autres termes, d’influencer les «perceptions, attitudes et comportements du public par le biais d’une communication stratégique dans le sens des objectifs politiques et militaires de l’OTAN (sic!)».
Dans une déclaration de 2017 déjà, le chef du Startcom montrait que la meilleure désinformation était celle qui n’était pas remarquée par le public cible.
D’ailleurs, dans une déclaration publique, il indiquait: «Si j’affirmais que nous ne voulons pas influencer le public, ce ne serait tout simplement pas crédible»2.
Fort opportunément, on découvre que le narratif doit «s’adresser à des groupes cibles de manière orientée vers l’avenir avec des messages politiques clairement définis, pour l’efficacité du récit, un réseau de soutien doit être mis en place afin de transmettre des points de vue de manière cohérente au moyen de campagnes d’information, d’établir la confiance et de contrer les influences de tiers. Pour cela, il faut connaître en profondeur le monde dans lequel vit le groupe cible.»3
Nous noterons que la Suisse participe à l’action de ce Stratcom! Fameux comportement de «neutralité»!
A la lumière de ce qui fut expliqué depuis le début de la guerre d’Ukraine et des résultats dans le terrain, nous pouvons observer que le travail des MM. Stoltenberg (secrétaire général de l’OTAN) et Janis Starts, et de leur centre d’excellence est efficace!
En conclusion
Ce nouveau «champ de bataille» n’est en fait pas une nouvelle découverte. Déjà, par les temps passés, l’autorité se préoccupait de piloter l’information et de tenter de ne pas en perdre le contrôle. L’ouverture de ce sixième théâtre d’opération n’est donc pas une nouveauté. Ce qui l’est, par contre, ce sont les outils qui permettent d’aller beaucoup plus loin dans l’action. Il est vrai que pendant la seconde guerre mondiale, si l’on avait pu annihiler dans l’esprit des soldats allemands la volonté de se servir d’une arme, cela aurait été terriblement efficace.
La participation de la Suisse au travail de ce centre est un immense scandale. Il est étonnant, pour ne pas dire invraisemblable, que les autorités politiques helvétiques ne réagissent pas.
Car, en définitive, ce n’est pas seulement l’action guerrière qui peut justifier de «triturer» les consciences de l’ennemi. Non, ce qui est gravissime, c’est que sous le couvert de «protection des valeurs démocratiques», on vise et atteigne celle de la vraie démocratie: le pouvoir du peuple!
François Villard
Pour ceux qui désirent en savoir plus, je recommande la lecture de Jonas Tögel, Kognitive Kriegsrührung, aux éditions Westend.
1 https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2021/690038/EPRS_STU(2021)690038_EN.pdf.
2 Cornelius Wüllenkemper, «Wir haben es mit medialem Krieg zu tun», in: Frankfurter Allgemeine Zeitung, 27 janvier 2017.
3 Felix Koßmann, Manuela Zlateva, Politische Kommunikation – im Zeitalter von Fake News.
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