Treizième rente

Au soir des votations du 3 mars, nombreux étaient les Suisses que ravissait l’acceptation d’une treizième rente AVS pour les retraités.

Il y avait, bien sûr, le monde socialo-syndical, qui s’émerveillait naïvement d’un vote fleurant bon la solidarité.

Il y avait les rentiers modestes, tout heureux d’un cadeau bienvenu.

Il y avait aussi des rentiers aisés, qui ne voyaient pas d’un mauvais œil de l’être plus encore.

Comme on n’est jamais trop prudent, l’initiative laisse au Parlement le soin de déterminer le mode de financement d’une opération qui, l’année de son introduction, coûtera, paraît-il, quelque 4,1 milliards de francs, dont 800 millions à la charge de la Confédération, c’est-à-dire des contribuables1. Ce montant ne devrait d’ailleurs pas tarder à augmenter, du fait de l’afflux de nouveaux retraités – un bonne nouvelle n’arrive jamais seule.

Il paraît que les rentiers et les personnes d’âge mûr ont voté massivement en faveur de l’initiative «Mieux vivre à la retraite», alors que les jeunes ne lui ont pas accordé la majorité.

On les comprend, ces jeunes gens, qui ont devant eux toute une vie d’activité professionnelle. Ils savent bien qu’il n’y a pas cinquante mille moyens de financer une rente supplémentaire et qu’ils devront passer à la caisse, en raison soit d’une hausse d’impôts soit d’une augmentation de leurs charges sociales soit des deux; qu’ils devront consentir une diminution de leur propre pouvoir d’achat pour augmenter celui de retraités qui n’en ont pas forcément besoin.

Car l’initiative «Mieux vivre à la retraite» comporte deux scandales.

Le premier tient au fait que les rentiers qui, pour quelque raison que ce soit, touchent une AVS insuffisante recevront une treizième rente basse, voire misérable, alors que ceux qui touchent la rente maximale recevront une treizième rente substantielle.

Le second tient au fait que, grâce à l’effet arrosoir cher à une gauche dépourvue d’imagination, des rentiers – j’en fais partie – seront gratifiés d’une treizième rente dont ils n’ont pas besoin, bénéficiant déjà d’une AVS complète en plus d’un confortable revenu versé par leur caisse de pension. Et ne parlons pas des bénéficiaires carrément fortunés!

En somme, l’initiative de l’Union syndicale suisse ne profite qu’aux riches.

Savoureux paradoxe.

Mariette Paschoud

 

1 https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-99766.html.

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