Abus «démocratiques»
A peine la «loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables» avait-elle été plus que largement acceptée (68,7%) le 9 juin que Les Verts annonçaient le lancement d’une nouvelle initiative populaire «pour que toute nouvelle construction ou rénovation soit systématiquement accompagnée d'une installation solaire».
Cette initiative souffre de plusieurs défauts.
D’une part, ses auteurs prétendent faire inscrire dans la Constitution fédérale (Cst.) quelque chose qui n’y a pas sa place: la Constitution n’est pas le réceptacle de toutes les idées plus ou moins heureuses qui germent dans les esprits de nos bienfaiteurs autoproclamés; on n’y mettrait pas non plus, d’ailleurs, la dimension des constructions et la couleur des toits sur lesquels viendraient se poser les panneaux photovoltaïques que les écologistes appellent de leurs vœux. D’autre part, ces derniers considèrent comme acquis qu’aucune invention géniale ne viendra demain remplacer les actuelles sources d’énergies renouvelables ou, à tout le moins les moyens de capter celles-ci, ce qui dénote une fâcheuse absence de confiance dans le progrès.
Mais, surtout, les Verts nous donnent un nouvel exemple de l’utilisation abusive par les partis politiques d’un outil, l’initiative populaire, qui est constitutionnellement réservé aux citoyens. En effet, les articles 138 et 139 Cst. prévoient que «100’000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote peuvent, dans un délai de 18 mois à compter de la publication officielle de leur initiative» proposer une révision totale ou partielle de la Constitution.
Il est donc clair qu’une initiative populaire peut être lancée par mon voisin de palier, par une équipe de joueurs de yass, par les dames de la couture ou par quelque autre groupe de citoyens plus important et mieux nanti – une campagne politique coûte très cher –, mais en aucun cas par un parti, du moins par un parti représenté à l’Assemblée fédérale. En effet, cette dernière offre aux partis politiques d’autres moyens de se faire entendre, puisque l’article 160 alinéa 1 Cst. dispose que «tout membre de l’Assemblée fédérale, tout groupe parlementaire, toute commission parlementaire et tout canton peuvent soumettre une initiative à l’Assemblée fédérale».
Il y a bien des années déjà que les partis politiques, toutes tendances et étiquettes confondues, se sont emparés de l’initiative populaire à des fins de propagande électorale. Si on se limite aux votations du 9 juin, on constate que deux des trois initiatives soumises aux citoyens émanaient de partis politiques – du Parti socialiste et du Centre respectivement.
Cette évolution, outre son aspect démagogique, a pour effet une multiplication des initiatives non pas populaires, mais partisanes. Or les outils de la démocratie directe, initiative populaire ou référendum, doivent être utilisés à bon escient, c’est-à-dire avec parcimonie, car leur usage abusif entraîne un double risque: la lassitude des citoyens et, par conséquent, la diminution de la participation aux votations; l’agacement croissant du Conseil fédéral et de l’Assemblée fédérale, qui ne rêvent que d’augmenter le nombre de signatures nécessaires à l’aboutissement d’une initiative ou d’un référendum, ce qui entraînerait, à terme, la disparition de la démocratie directe.
Qui pourrait souhaiter en Suisse l’avènement d’une «démocratie» exclusivement parlementaire sur le modèle des pays qui nous entourent, à commencer par la France?
Mariette Paschoud
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