L’Occident n’est pas durable

Le nouveau président américain a donné quelques sueurs froides au monde occidental en annonçant son intention de «récupérer», par la force s’il le faut, le Canada et le Groenland au nord et, au sud, le canal de Panama.

Certains commentateurs de presse, sans aller jusqu’à admettre publiquement que Donald Trump pourrait ne pas être fou, ont tout de même tenté de comprendre les raisons profondes de cette ambition expansionniste. Une première explication tient sans doute à la présence dans le sous-sol du Groenland de «terres rares» (expression qui, comme son nom ne l’indique pas, désigne un groupe de métaux assez répandus dans la croûte terrestre). Mais une autre raison saute aux yeux si l’on regarde une carte de géographie centrée sur le pôle Nord et l’océan Arctique: une moitié des côtes de cet océan appartient au continent eurasiatique, donc à la Russie. Les Etats-Unis, quant à eux, n’y ont qu’un accès restreint; mais ils pourraient étendre considérablement leur présence en contrôlant le Canada et le Groenland. Ce dernier pays est une immense île appartenant géographiquement au continent américain, mais politiquement rattachée au Danemark depuis 1953 (un an avant que la Crimée soit rattachée à l’Ukraine, mais ça n’a aucun rapport) et en proie à des velléités indépendantistes. Si l’Arctique prend de l’importance aujourd’hui, c’est parce que le réchauffement climatique semble exister dans ces régions et que de nouvelles routes maritimes pourraient donc s’ouvrir là où, jusqu’à présent, on ne se déplaçait que difficilement avec l’aide de brise-glace. L’Arctique représente ainsi un enjeu majeur pour les transports internationaux – tout comme le canal de Panama.

Donald Trump n’est donc pas fou. Il défend – certes avec une certaine brutalité, mais aussi avec une anticipation assez remarquable – les intérêts géostratégiques et économiques de son pays, comme le font d’autres chefs d’Etat (et comme tous devraient le faire).

La question est de savoir s’il va réussir à atteindre les buts ambitieux qu’il se fixe. Ou, plus exactement, s’il va réussir dans le temps dont il dispose: quatre ans. Peut-on faire de grandes choses en si peu de temps? S’il faut déclencher une guerre, on ne sait pas quand elle s’arrêtera ni quels seront ses résultats. La voie de la diplomatie – même en y consacrant beaucoup d’argent, voire des menaces – peut aussi se révéler longue et incertaine. Les grands objectifs nécessitent du temps et il faut les décliner en une série d’objectifs intermédiaires. Or le temps de Donald Trump est limité. Il est limité par son mandat politique, qui ne pourrait être prolongé qu’au prix d’une crise politique. Il est limité aussi et surtout par son âge, malgré les rêves transhumanistes de son ami Elon Musk.

Le président américain a face à lui le président russe, de six ans son cadet et qui est au pouvoir depuis vingt-cinq ans – un quart de siècle! –, et aussi le président chinois, de sept ans son cadet et qui est au pouvoir depuis douze ans. Vladimir Poutine et Xi Jinping n’ont pas besoin de se demander chaque jour s’ils conserveront leur pouvoir aux prochaines élections; ils se concentrent sur leur mission, sur la finalité de leur pouvoir.

Les grands projets politiques s’inscrivent nécessairement dans le temps long et dans une certaine stabilité; ils s’incarnent dans des personnes exceptionnelles ou providentielles. L’Occident, qui ne jure que par la «durabilité» mais se révèle incapable de prendre du recul par rapport à l’instant présent et au court terme, l’Occident égalitaire qui tranche les têtes qui dépassent, l’Occident obsédé par la démocratie et par les autres idéologies qui fleurissent autour, ne se prête décidément pas à la grandeur.

Pollux

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