Diviser pour rassembler?

Le décès du pape François a déclenché un flot de louanges dans la presse conformiste, ainsi que chez certains membres de l’«élite», qui ont salué un pape ouvert sur le monde, un pape écologiste, un pape des pauvres et des migrants, bref un pape progressiste. Que le souverain pontife ait été, du moins officiellement, l’autorité spirituelle suprême de plus d’un milliard de catholiques n’a guère intéressé ses thuriféraires, qui ne se sont pas appesantis non plus sur les aspects conservateurs du défunt en matière d’avortement, d’euthanasie et de gestation pour autrui.

Pour ces esprits supérieurs, les choses sont simples: un pape ne peut être que progressiste – c’est un bon pape – ou conservateur – c’est un vilain pape, même s’il est Africain.

Il est donc normal que, une fois remis de leur chagrin, nos maîtres à penser autoproclamés soient revenus à l’essentiel et se soient uniquement demandé si le prochain pape serait progressiste ou conservateur.

Le nouveau chef de l’Eglise catholique était à peine élu qu’on apprenait, d’une part, qu’il avait été très proche du pape François, qui l’avait fait cardinal, et, d’autre part, comble de bonheur, qu’il avait, sur le réseau social X, critiqué à plusieurs reprises Donald Trump et son vice-président J. D. Vance pour leur politique migratoire. Ouf! Tout allait bien. On aurait de nouveau un pape progressiste.

Il est un peu tôt pour affirmer que le diagnostic politico-médiatique va se confirmer. Les vœux et félicitations des dirigeants du monde ont, dans l’ensemble, manifesté l’espoir que le 267e successeur de Pierre continuera à se mêler des affaires du monde. Mais, jusqu’ici, Léon XIV s’est, autant que je sache, contenté de lancer un appel à la paix universelle, prononcé pour une paix juste et durable en Ukraine, déclaré rassembleur et désireux de construire des ponts.

Il faut espérer que la volonté de rassemblement du pape concerne la nécessité d’unir les catholiques autour de Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, loin des préjugés doctrinaux qui séparent «modernistes» et «traditionnalistes».

S’il s’agit de rassembler toute la terre et en particulier les chrétiens et les musulmans, comme le voulait le pape François, l’Eglise catholique, à l’instar de la plupart des autres confessions chrétiennes, continuera à se fissurer.

En effet, tant qu’un guide spirituel chrétien, qu’il soit catholique, orthodoxe ou protestant, parle de Dieu et fonde son message sur l’enseignement du Christ tel que rapporté par les Evangiles – et non tel que dévoyé à des fins idéologiques –, il peut maintenir l’unité parmi les fidèles de son Eglise, de son évêché ou de sa paroisse autour d’une foi commune. Dès l’instant où, parce qu’il se veut rassembleur de toute l’humanité, il fait entrer dans sa doctrine et son action les théories plus ou moins éphémères qui sont à l’origine des désordres du monde, il devient facteur de division dans sa propre communauté, très partagée sur ces questions.

Je veux espérer que le pape Léon XIV saura éviter de tomber dans ce paradoxe: être un pape rassembleur qui divise son Eglise.

Mariette Paschoud

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