Editorial

La pause estivale étant derrière nous, l’équipe du Pamphlet est ravie de reprendre du service! Les votations du 28 septembre s’approchent à grands pas et, comme les sujets cantonaux et l’identité numérique seront traités plus loin, je vais essayer de démêler dans ces lignes la délicate question de la modification constitutionnelle relative à l’impôt spécial sur les résidences secondaires.

Il ne manque pas de piquant que le sujet du débat ne soit en rien celui sur lequel on vote, mais bien la modification de la loi fédérale sur la valeur locative, car les deux sujets sont liés et n’entreront en vigueur que si la modification constitutionnelle est acceptée. Précisons que, le délai référendaire relatif à la loi sur le changement de système d’imposition de la propriété du logement étant échu au 19 avril 2025, en cas d’acceptation de la modification constitutionnelle, le tout entrera en vigueur le 29 septembre.

Voyons l’essentiel en bref: le Parlement a voté la suppression de la valeur locative, revenu fictif attribué aux propriétaires de biens immobiliers en Suisse. En compensation, il veut supprimer la déduction des frais d’entretien et, à quelques exceptions près, les intérêts passifs. Afin de ne pas porter un préjudice trop important aux cantons, dont l’impôt sur la valeur locative est une source essentielle d’entrées fiscales, il propose de leur laisser la liberté de créer un impôt sur les résidences secondaires. Pour ce faire, il faut préciser l’article 127 alinéa 2 de la Constitution fédérale, qui dit que, dans la mesure où la nature de l’impôt le permet, les principes de l’universalité, de l’égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés, par un article 127 alinéa 2bis, qui dispose ce qui suit: lors de la perception de l’impôt immobilier sur les résidences secondaires essentiellement à usage personnel, les cantons peuvent déroger aux principes visés à l’al. 2 dans les limites prévues par la législation fédérale et pour autant que la valeur locative des résidences secondaires à usage personnel ne soit pas imposée par la Confédération et les cantons. Nous votons donc sur le contournement du principe d’égalité de traitement entre propriétaires de résidences principales et secondaires.

Mais revenons au sujet qui nous intéresse. Faut-il accepter ou refuser ce paquet? La valeur locative a toujours été de mon point de vue une incongruité. Que l’on taxe des revenus qui n’existent pas me semble profondément injuste et, sur le principe, je suis favorable à sa suppression. On nous présente les déductions actuellement possibles comme une façon de compenser cette injustice. On se demande donc pourquoi ce système complexe de vases communicants a été mis en place. Comme l’explique le petit livre rouge, actuellement, en fonction du niveau des taux hypothécaires, les propriétaires endettés voient leur situation fiscale s’améliorer ou se détériorer. Je dis fiscale, car si les taux augmentent, les déductions aussi, mais le solde disponible pour consommer se réduit.

Un autre élément à prendre en compte est qu’avec le système actuel les propriétaires ne sont pas encouragés à réduire leur endettement. Lorsque j’explique à mes amis de Catalogne que les crédits hypothécaires en Suisse se font sur cent ans et qu’arrivé à un certain niveau d’endettement il n’est même plus nécessaire de rembourser, ils me regardent avec des yeux ronds. Mais la déductibilité des intérêts, combinée à la réduction de la dette par le mécanisme de l’inflation, fait qu’il peut être plus profitable d’avoir des dettes et de l’argent placé que de rembourser. Les grands bénéficiaires de tout ce système sont les banques commerciales, dont c’est le négoce.

La solution qui nous est proposée aujourd’hui est issue d’une âpre négociation politique qui débouche sur un montage peu satisfaisant. Il faut ménager la chèvre et le chou, supprimer un impôt injuste, sans que les riches propriétaires ne soient avantagés, et éviter des pertes fiscales trop importantes.

Le principal défaut du projet vient de la suppression en bloc des déductions fiscales, qui, si elles avaient été maintenues, auraient constitué un déséquilibre en faveur des propriétaires et un manque à gagner pour l’Etat. Que l’on retire la possibilité de déduire les intérêts passifs des dettes hypothécaires aurait été suffisant et aurait constitué un juste équilibre avec la situation des locataires.

L’objectif de la déduction des frais d’entretien reste d’encourager les propriétaires à faire ce qu’il faut pour conserver leurs immeubles en état. L’accès à la propriété peut être une mesure de prévoyance retraite qu’il convient de promouvoir, les avantages fiscaux étant un moyen opportun d’y parvenir. Et l’on peine à comprendre pourquoi la suppression de la déduction des intérêts passifs de tous types a été incluse dans le projet, si ce n’est pour générer de nouvelles recettes fiscales par la petite porte.

Réduire la charge fiscale des contribuables, c’est augmenter le solde disponible, la consommation et le bien-être. Ce qui nous est proposé aujourd’hui ne semble pas aller dans ce sens.

Nous voterons «non», en espérant que ceux qui nous gouvernent reverront leur copie et reviendront avec un projet plus équilibré.

Michel Paschoud

Thèmes associés: Politique fédérale

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