Lettre ouverte...

    Jean-Blaise Rochat enseigne le français et l’histoire au collège de Bussigny, en huitième, neuvième et dixième années. Ses élèves sont donc des adolescents de treize à dix-huit ans, des jeunes gens qui traversent l’âge dit bête ou ingrat et qu’il est souvent difficile de «motiver», voire de discipliner. Mais qu’on ne s’y trompe pas: sa Lettre ouverte aux parents de mes élèves1 n’est pas un catalogue de plaintes et critiques plus ou moins amères, comme le confirment les soixante-sept Juveniliadrôles, attendrissantes, voire émouvantes qui forment la deuxième partie du livre. Jean-Blaise Rochat aime son métier et ses élèves; sa Lettre mêle réflexions et anecdotes sur son quotidien professionnel.

    La Lettre ouverte aux parents de mes élèves, bien qu’elle ait paru à un moment où les Vaudois s’empoignent une nouvelle fois sur des visions de l’école incompatibles, n’a pas été écrite dans la perspective de la votation du 4 septembre. On n’y trouve que quelques pages consacrées aux dérives des pédagogistes et de ceux qui les paient. L’auteur déplore ainsi la liquidation progressive des humanités, le fameux partenariat école-parents qui met à égalité des maîtres et des familles aux compétences et champs d’action pourtant très différents, et l’horreur de l’échec qui habite les théoriciens de l’école paradis, privant les écoliers non seulement de la possibilité de combler à temps leurs éventuelles lacunes, mais aussi de l’occasion d’apprendre que si l’échec n’existe pas la réussite ne présente plus d’intérêt.

    Le principal intérêt du livre, fort bien écrit évidemment, réside dans la conception que se fait l’auteur d’une profession qui, il faut bien le dire, relève parfois de l’apostolat: un alliage soigneusement dosé de compétence, d’affection, de fermeté, d’empathie et d’humour, accompagné d’une grand humilité intellectuelle. Jean-Blaise Rochat ne donne pas dans la fausse modestie. Il ne cache pas ses réussites et s’en réjouit. Mais il ne s’en attribue pas tout le mérite. Il se félicite d’avoir eu lui-même de bons maîtres de français de l’école enfantine à l’université; il se réfère à Carl Friedrich Zelter, qui fut le maître et le guide du jeune Mendelssohn; il trouve chez Fénelon la nécessité, pour un enseignant, de connaître ses défauts et chez Jean Anouilh celle de faire comprendre ou au moins sentir à ses élèves qu’ils sont héritiers d’un patrimoine culturel qu’ils doivent à tout prix préserver. Il ne se fait pas d’illusions sur l’impact de ce qu’il dit en classe, dont, à son avis, la moitié au moins se perd en mettant les chose au mieux. Mais il ne renonce pas, car «[les élèves] devinent des convictions fortes et parfois il en ressurgit quelque chose plus tard, souvent beaucoup plus tard» (p.33).

    Comme on peut le deviner à la lecture de ce qui précède, et comme le savent tous ceux qui le connaissent, Jean-Blaise Rochat est un homme d’une vaste culture, ce qui est évidemment une chance considérable pour ses élèves, même s’ils n’en sont pas toujours conscients. Mais il est également un homme de cœur qui ne se croit pas obligé de traiter de haut et de loin tout ce qui ne relève pas de la connaissance. Il s’intéresse aussi aux drames personnels de ses élèves, ce qui ne va pas de soi, et s’en explique ainsi (pp. 42-43): «Au début de ma carrière, j’étais étranger aux drames qui peuvent surgir dans la vie de mes élèves: séparations, divorces, maladies, deuils, dépressions. Ma seule excuse est que je n’avais rien connu de cela pendant une enfance préservées et heureuse. Aujourd’hui, conscient de leur possible fragilité, je suis plus attentif et ne méprise jamais leurs soucis, grands ou petits.» Jean-Blaise Rochat est un maître complet.

Ne manquez pas de commander son livre au moyen de la carte jointe à ce numéro du Pamphlet2. Rien de tel qu’une lecture roborative pour agrémenter l’été.

Mariette Paschoud

1 Cahiers de la Renaissance vaudoise (cahier no 149), 6 mai 2011.

2 Pour nos abonnés internet: www.ligue-vaudoise.ch, rubrique Les Cahiers.

Thèmes associés: Culture - Ecole - Notes de lecture

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