Quel avenir pour la Libye?

La rédactrice de politique internationale du quotidien Le Temps se félicitait, il y a quelques jours, de la chute de Tripoli, en proclamant que c’était une très bonne nouvelle pour l’Europe.

Je me suis permis de lui faire savoir que tel n’était pas mon avis.

La Libye est un patchwork de tribus et de groupes religieux qui n’ont rien en commun. La paix sociale a été construite par Kadhafi au prix d’une mise à l’écart des principes démocratiques et des islamistes radicaux.

Qui sont les «rebelles» joyeux qui se font filmer par les télévisions occidentales en train de tirer en l’air? A l’évidence, ces jeunes gens ne représentent pas une force organisée, hiérarchisée, commandée, mais plutôt des bandes de copains qui profitent de l’anarchie pour faire la fête et piller les biens des anciens maîtres.

Qui sont les membres du Conseil national de transition, que les pays de la coalition se sont empressés de reconnaître comme le gouvernement légitime de la nouvelle Libye, au mépris de toutes les règles de droit international? On ne sait. Ce sont apparemment de gens qui n’ont aucun projet commun, à part la chute du régime actuel et la prise de Kadhafi.

Comment les «rebelles» se sont-ils procuré les armes, et singulièrement les armes lourdes qu’on pouvait admirer sur leurs Jeeps ? Ces armes leur ont été fournies par les pays de la coalition qui étaient présents par des experts au sol, en violation des ordres de l’ONU.

L’intervention de la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis étaient motivée par le souci de préserver les populations civiles. On a rapidement pu constater que l’objectif était tout autre. Il fallait renverser le régime en place. Les coalisés ont donc participé à une guerre civile, ce qui ne fait pas partie des objectifs avoués d’une organisation internationale qui se voue, dit-elle, au maintien de la paix.

Que va-t-il se passer? Soit Kadhafi est remplacé par un autre dictateur, qui saura comme lui fédérer les tribus et maintenir la paix intérieure, soit nous allons entrer dans une période de troubles permanents, avec in fine l’émergence des Frères musulmans, qui se poseront en seule solution possible pour le rétablissement de la paix.

Dans les deux cas, l’Europe n’aura rien gagné: le groupe Total n’aura pas de pétrole gratuit, les Africains continueront de déferler chez nous dans l’espoir d’une vie meilleure et les nouveaux maîtres de la Libye seront encore plus anti-européens que ne l’était le colonel.

Et la rédactrice du Temps, lui écrivis-je, viendra pleurnicher dans un an qu’elle n’avait pas voulu ça, que les choses devaient logiquement déboucher sur plus de libertés, plus de démocratie, plus de bonheur et qu’elle ne comprend pas quel grain de sable a pu enrayer ce processus annoncé.

Elle m’a répondu qu’elle n’avait pas l’habitude de pleurnicher. Dont acte.

C.P.

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