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Navigation électorale (rêve de Marine)

La France est un navire qui fait route vers l’inconnu. Fin de quinquennat oblige, il va devoir se choisir un capitaine. Et il conserve toute son actualité, ce mot d’esprit de Roger Minne, pour qui choisir entre Chirac et Jospin – l’auguste et le clown blanc du cirque «UMPS»1 – équivalait à vouloir «changer de cabine sur le Titanic»; à ceci près qu’à en juger par la vacuité des programmes et le niveau des débats, cette fois-ci, les cabines ont été déclassées à proximité des soutes. Et puis, au genre de l’actuel commandant et au vu de la médiocrité de son équipage, on comprend que la nave [qui] va, ça serait plutôt le Costa Concordia… et que le naufrage à venir sera beaucoup moins chic.

La bonne nouvelle c’est qu’à proximité du promène-couillons festif et convivial qui file à toute vapeur vers les écueils, on remarque un petit chalutier têtu qui a choisi de tracer sa route en mer libre, là où il y a bien sûr des vagues mais pas de hauts-fonds. Faute de pilote qui sache lire les cartes, le gros vapeur prétentieux s’est calé sur la balise de Bruxelles où on lui a laissé croire qu’il y aurait un havre avec conditions particulières. Le petit bateau futé vise un port en France où il sait avoir ses amarres et dont il connaît les usages et maîtrise le règlement.

Le Concordia, c’est «Les Sarkholand Brothers», un duo d’amuseurs à court de texte soutenus tant bien que mal par tout un petit monde de faire-valoir, de comparses et de bonimenteurs. Le petit chalutier, c’est Madame Marine Le Pen. Les premiers promettent pour demain des rasages gratuits et des changements de pacages qui vont réjouir les veaux. La seconde offre un sérieux coup de barre avec tout le monde sur le pont, à la manœuvre, et le risque d’un grain de Bruxelles pour avoir osé mettre à quai en port franc.

Face à un tel dilemme, leurs ancêtres les Gaulois seraient allés au défi et à l’affrontement, fiers de vouloir rester maîtres chez eux, ce qui est la marque de la vitalité d’un peuple, mais liquéfiés dans la démocratie et dissous dans les invasions, les Français de l’an douze subiront les lois du nombre et de la statistique: les petits rentiers2 frileux et apeurés se résigneront à reconduire le ludion; les naïfs du Grand Soir et du tout-à-niveau opteront pour le modèle en mousse d’en face. Le plus grand nombre fera le jeu. A Bruxelles (et au-dessus) tout est prêt pour l’emboîtage des ruminants: pour le corned beef, ils ont prévu deux jeux d’étiquettes.

Pourquoi je suis un pessimiste qui sourit

Un ami me faisait récemment part de son intention de publier un Catalogue en deux volumes des grandes décisions de l’humanité. Le premier volume énoncerait les mauvaises et le second, les bonnes – il souhaitait conclure sur une note optimiste. A ma remarque que c’était là un travail de bénédictin, il me confia vouloir se limiter à celles d’après 1789. C’était quand même beaucoup: il était déjà très âgé. «Ecris seulement le second, lui-dis-je, comme ça, après-demain, nous pourrons aller au théâtre ensemble».

Voir les choses telles qu’elles sont

Il est des rédacteurs qu’on ne devrait lire qu’après avoir achevé d’écrire son propre «papier». Léon Camus est l’un d’eux: il m’a devancé sur un thème brûlant d’actualité mondiale. L’analyse est magistrale. Aussi me bornerai-je à ne relever ici que quelques-uns de ses propos sur l’imminence d’une guerre contre l’Iran et de conseiller au lecteur désireux d’en savoir plus de se procurer le n° 3037 de Rivarol où son texte figure en pages 6 et 7:

– Sur les pressions sournoises que la «communauté internationale» a récemment tenté d’exercer sur un Poutine souverainement pas «aux ordres»: «Une contestation et une agitation “populaires” savamment orchestrées sur les réseaux sociaux (…) outils inégalés de propagation des rumeurs et de mobilisation de masse (…).»

– Sur notre mise en condition par les media du monde «libre»: «[Ils] mentent énormément. A tel point que l’individu lambda ne peut le concevoir, voire l’imaginer.» Et encore: «[Il] n’y a pas de limites dans la taille des mensonges et plus celui-ci est diffusé, plus il acquiert de poids, de crédibilité et de puissance.»

En foi de quoi Camus redoute que «[la] guerre arrivera finalement chez nous sans crier gare, comme une chose allant de soi dans l’engourdissement des consciences».

Et pour illustrer les subterfuges médiatiques visant à engourdir nos consciences, il suggère l’excellent et prémonitoire Des hommes d’influence  (Wag the dog) de Barry Levinson (1997), mais aussi Mensonges d’État (Body of Lies) de Ridley Scott (2008) et le très occulté – et drôle en plus – Envoyés très spéciaux de Frédéric Auburtin (2009), tous films disponibles en DVD.

Décorations intérieures (des goûts et des valeurs…)

Le même Rivarol m’apprend qu’aux USA Rick Santorum, candidat à l’investiture républicaine pour les présidentielles, dans un émouvant élan de ce philosionisme si essentiel, là-bas aussi, en période d’élections, révèle avoir acheté un carré de céramique portant la mention «Priez pour la paix de Jérusalem», et précise l’avoir mis dans sa cuisine «au-dessus de l’évier» pour «[faire] cette prière tous les jours» – on prie où l’on peut... Mon regard se porte alors sur le mur, sur ce carreau de faïence prélevé par mon père dans le bureau du colonel Moscardó, défenseur opiniâtre de l’Alcázar de Tolède, inflexible au chantage des Républicains, qui préféra sacrifier son fils3 plutôt que de faillir à sa mission, et je me dis que Santorum et moi n’avons pas les mêmes goûts.

Crétins – décrets – bons sens?

De même qu’on n’arrête pas le progrès, en période de racolage électoral dans la France des bonnes résolutions, on n’arrête plus non plus le décret. Ainsi, dès juillet, par préoccupation présidentielle, «tout conducteur d’un véhicule terrestre à moteur» devra-t-il disposer d’un éthylotest non usagé et non périmé, petit révélateur d’éléphants roses susceptible d’indiquer la somme d’alcool absorbée par les conducteurs pour noyer leur joie de vivre, par les titulaires de permis à points pour célébrer ceux qu’il leur reste encore, mais surtout par les vendeurs du petit machin ravis par la perspective d’un décollage exponentiel de leur chiffre d’affaires. Tous les conducteurs, qu’ils aient roues, chenilles ou patins, «à l’exclusion [de ceux] d’un cyclomoteur» selon les termes mêmes du décret… Trois questions me démangent: les cyclomotoristes ne sont-ils donc jamais saouls? En vertu de quel principe entend-on imposer cette obligation d’achat aux conducteurs abstèmes? Et puis, je me demande si les autorités iront bien contrôler les moissonneuses-batteuses et les engins de chantiers…

Max l’Impertinent


1 Contraction d’«Union pour la Majorité Présidentielle» et de «Parti Socialiste» (la «drauche» de collusion).

2 Les vraiment riches observeront ça d’ailleurs.

3 Le Comandante Militar de Toledo nous a transmis son ultime échange téléphonique avec son fils Luis le 23 juillet 1936: «(…) ils [les assiégeants républicains] disent que si tu ne te rends pas, ils vont me fusiller. – Alors recommande ton âme à Dieu et meurs comme un patriote en criant “vive le Christ Roi!” et “vive l’Espagne!” – Je t’embrasse très fort, Papa!»

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