Catalogne, la situation
Nous en parlions il y a quelque temps, la Catalogne vit un tournant historique. Pour la première fois, les sondages donnent une courte majorité à l’indépendantisme dans la population. La mauvaise santé économique et la dégradation des relations avec Madrid depuis l’arrivée du Parti Populaire au pouvoir ne sont pas étrangères à cette évolution, mais les faits sont là et le rassemblement du 11 septembre 2012 dans les rues de Barcelone démontre que le sentiment indépendantiste s’exprime ailleurs que dans l’intimité des salons.
A la suite de la manifestation, le gouvernement de Convergencia i Unio (CIU), sous la présidence d’Artur Mas, décide de prendre une position claire dans le débat indépendantiste, ce que le parti majoritaire n’avait jamais fait jusqu’alors, et de soutenir le droit des Catalans à décider de leur avenir à travers un projet de souveraineté nationale. Le pari est risqué mais courageux et le président Mas, pour donner le maximum de poids à ces revendications vis-à-vis du pouvoir central, convoque des élections anticipées dans l’espoir d’obtenir une majorité absolue au Parlement. Les Catalans se retrouvent donc aux urnes en novembre 2012 pour élire leurs représentants, avec en toile de fond deux questions: choisir entre la gauche et la droite et se positionner sur la question de l’indépendantisme. Schématiquement, CIU représente la droite nationaliste, voire indépendantiste, Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) la gauche indépendantiste, le Partit Popular (PP) la droite centralisatrice et le Partit dels Socialistes de Catalunya (PSC) la gauche… fédéraliste. Il faut savoir que, parmi les différentes formations politiques catalanes, seuls le PP et le PSC sont affiliés aux partis nationaux, auxquels ils doivent rendre des comptes. Pour le PP, pas de problème: la branche catalane suit la ligne du parti à la lettre. Les socialistes, quant à eux, se retrouvent dans une position délicate: grand perdant des élections au Parlement de 2010 et aux élections municipales de 2011, le parti se cherche et fait le pari, lors des élections de novembre 2012, de proposer une sorte de troisième voie, le fédéralisme. Ni pour, ni contre l’indépendance, bien au contraire…
Pari perdu puisque les élections lui coûtent huit sièges, qui viennent s’ajouter aux neuf sièges perdus en 2010, et le relèguent au troisième rang des formations politiques. Autre perdant: CIU, dont les électeurs peu favorables à l’indépendance reportent leurs votes probablement en bonne partie sur une petite formation de droite, Ciudadans, qui ne draine pas de nouvelles voix indépendantistes. La situation au lendemain du 24 novembre est compliquée. Le premier parti du Parlement, CIU, se trouve dans la position étrange de devoir rompre avec ses alliés naturels de droite et pactiser avec ses adversaires de gauche pour former un gouvernement dont la stabilité ne repose que sur la volonté commune de mettre en marche un processus de souveraineté nationale, qui devra déboucher sur la convocation d’un référendum populaire afin que les Catalans puissent se prononcer sur leur avenir.
Commence donc pour le président Mas un chemin semé d’embûches et sur lequel il devra à la fois respecter ses promesses de mener le processus souverainiste dans les délais prévus et en respectant la légalité, et, dans le même temps, continuer à mener la politique d’austérité indispensable en raison de la situation catastrophique des finances publiques héritée du gouvernement de coalition de gauche, le tout avec le soutien d’un parti qui a contribué à créer cette situation mais doit s’opposer aux restrictions budgétaires pour des raisons idéologiques et électoralistes.
Le premier pas dans la direction de l’indépendance passait par une déclaration du Parlement affirmant le droit de décider du peuple catalan. Cette première étape vient d’être franchie et le texte approuvé a obtenu le soutien des élus de CIU, ERC et des écosocialistes, soit les deux tiers de l’hémicycle. Les socialistes ont finalement décidé de ne pas rejoindre le mouvement malgré la volonté des autres partis de trouver un compromis acceptable. Il faut maintenant voir dans quelle mesure le gouvernement central sera disposé à entrer en négociation pour permettre la suite du processus. Ne nous berçons pas d’illusions, la probabilité que ces discussions aillent dans le sens souhaité par la Catalogne est extraordinairement faible et le président Mas se prépare déjà à recourir à toutes les voies légales et à tous les niveaux des institutions nationales et européennes pour obtenir la possibilité de convoquer le référendum d’autodétermination.
Affaire à suivre.
Michel Paschoud
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