Une indignation qui saoule
Disons-le tout net: il y en a marre de l’indignation populaire anti-Vasella! D’accord, ce monsieur a touché des sommes d’argent qui défient l’imagination et apparaissent surfaites et disproportionnées. D’accord, on peut penser que ce n’est pas moral de gagner autant. Et alors? L’argent en question appartient à Novartis, pas à l’Etat. Les actionnaires de Novartis ont le droit de contester la rémunération de M. Vasella, mais pas l’homme de la rue interrogé par les médias, ou le citoyen lambda qui fulmine derrière son ordinateur, qui ne gagneront strictement rien de plus ou de moins si M. Vasella empoche ou non septante-deux millions de francs.
On nous dira que cet argent pourrait être investi à meilleur escient. C’est possible. La société est remplie de gens qui, autour de nous, dépensent leur argent d’une manière critiquable, aménagent mal leur logement, s’habillent sans aucun bon goût, consacrent leurs loisirs à des activités stupides et défendent des opinions fausses. On ne peut pas tous les tuer. En revanche, on peut s’efforcer de faire de notre mieux dans tout ce qui relève de notre sphère de compétence. C’est déjà beaucoup.
On nous dira que la disproportion entre la richesse de M. Vasella et la pauvreté de certains de nos concitoyens est choquante. Ce qui est sûr, c’est que nous vivons dans un des pays les plus riches du monde, où les aides sociales sont parmi les plus développées et où personne ne crève de faim ni ne dort sous les ponts. Il est par conséquent moins choquant que M. Vasella touche de telles sommes d’argent en Suisse plutôt qu’ailleurs.
Entendons-nous bien: il ne s’agit pas ici de défendre à tout prix M. Vasella, mais plutôt de demander un peu de discrétion à tous les aigris qui pérorent contre lui, alors qu’ils feraient peut-être la même chose s’ils étaient à sa place. Il s’agit aussi de rappeler que la morale ne doit être définie que par une autorité valablement reconnue et que, pour le reste, elle peut rester une affaire personnelle sans que chacun veuille imposer la sienne propre à ses voisins.
Toute cette agitation ne réussit finalement qu’à raviver notre exaspération face au système de castes que notre société prétendument égalitaire veut nous imposer, avec d’un côté les pestiférés – les «riches», les «patrons», les «conservateurs», les «réactionnaires», les «identitaires», les «sécuritaires», etc. – et de l’autre les chouchous intouchables que l’on n’ose plus citer mais que tout le monde connaît; ces derniers coûtent à notre société beaucoup plus que tout ce que M. Vasella a pu empocher au cours de sa carrière.
Pollux
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