Aménagement du territoire
Depuis quelques années déjà, la compétence du législateur suisse pose de sérieux problèmes. En supprimant la notion de puissance paternelle pour lui substituer celle de puissance parentale, il a, en fait et sans en saisir toutes les conséquences, que plusieurs pays européens explicitent… détruit dans la loi civile la famille, privée en plus, et dès cette année, de continuité historique par la suppression du patronyme. Gouverner, c’est prévoir. Et quand un législateur ne prévoit pas, il prouve son incompétence. La famille est naturellement monarchique et saint Paul établit la pérennité de cette loi en disant, sous l’inspiration de l’Esprit Saint, que l’homme est le chef de la femme «comme le Christ est le chef de l’Eglise»[1]. Si le Christ n’était pas le chef de l’Eglise, l’Eglise elle-même n’existerait plus parce que le Christ ne serait pas Dieu. Si l’homme peut modifier à son gré la constitution de la famille, celle-ci dépend totalement des courants d’opinions et on en fera – on en fait déjà – ce qu’on voudra!
Même amateurisme délétère s’agissant de l’octroi de la nationalité, dont le Tribunal fédéral estime qu’il est un acte administratif dont le refus doit être motivé, ce qui est un raisonnement faux juridiquement, car il n’y a, par définition, pas de droit subjectif du requérant à la nationalité suisse en dehors des conditions formellement prévues par la loi elle-même. En dehors de ces conditions, reconnaître un droit de recours des candidats à la nationalité suisse dépossède l’autorité qui octroie un tel droit du caractère souverain de sa décision. Implicitement et par un simple artifice de procédure apparemment anodin, la nationalité est niée comme entité souveraine.
La situation est analogue pour ce qui concerne la loi sur l’aménagement du territoire et sa modification soumise au vote populaire le 3 mars[2]. L’article 3 de la Constitution fédérale énonce le principe général suivant: «Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée[3] par la Constitution fédérale et ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération.» Mais cette même Constitution fédérale comporte un article 75 sur l’aménagement du territoire qui attribue clairement à la Confédération la fixation des principes applicables à cet objet, avec toutefois la précision suivante: tout en reconnaissant que cet objet incombe aux cantons (référence utile et implicite à l’article 3 ci-dessus), c’est néanmoins la Confédération qui devrait «[servir] une utilisation judicieuse et mesurée du sol et une occupation rationnelle du territoire». Il y a dans ces textes à tout le moins une grave équivoque et c’est sur cette équivoque que se fonde en réalité la modification actuelle de la loi sur l’aménagement du territoire.
Les réactions contre cette modification de loi sont fondamentalement saines et totalement justifiées. Mais c’est cette disposition fédérale qui devrait être mise en cause et pas seulement son fruit naturellement pervers, car c’est cet alinéa 1er de l’article 75 de notre charte fondamentale qui est en contradiction avec la nature d’entités souveraines des cantons. Si, pour un objet aussi fondamental, les cantons peuvent se voir imposer des principes par l’autorité fédérale, ils cessent d’être véritablement souverains sur ce qui concerne leur propre territoire, car il ne s’agit plus d’une limite à une répartition de compétences constitutive de l’entité suisse comme telle, mais bien d’un changement substantiel de la structure fédérale de la Suisse, changement qui autoriserait désormais la Confédération non plus seulement à limiter la souveraineté cantonale mais à en disposer!
Même le peuple suisse n’a pas cette compétence! Un Etat qui ne peut plus légiférer librement sur l’aménagement de son propre territoire cesse par le fait même d’en être un. Tout le problème de cette votation est là et, par elle-même, celle-ci n’est pas en mesure d’y porter remède.
Michel de Preux
NOTES:
[1] Ep. aux Ephésiens, chap. V, verset 23.
[2] Ecrit avant la votation, cet article ne sera lu qu’après, mais cela n’enlève rien à sa pertinence (n.d.l.r.).
[3] Souligné par moi: ce verbe est important.
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