Minorité lâchée

Rappeler que la guerre déclenchée en 1999 en ex-Yougoslavie par les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux a permis aux Albanais musulmans de prendre le contrôle de la province serbe du Kosovo et, après en avoir chassé presque tous les habitants chrétiens, de se l’approprier en la déclarant Etat indépendant, tombe probablement sous le coup de la justice pénale internationale. Par prudence, nous tairons donc cela.

Toujours est-il que quelques zones encore habitées par des Serbes se trouvent aujourd’hui isolées au nord du nouvel Etat kosovar, formant une minorité ethnique qui craint pour son existence et compte beaucoup sur ce qui reste de la Serbie voisine pour garantir sa protection. Ou plutôt comptait…

En effet, si les Serbes du Kosovo ont reçu jusqu’ici le soutien de Belgrade – qui n’a jamais voulu reconnaître l’indépendance de son ancienne province –, c’est aussi parce que cette dernière a bénéficié dans le même temps de l’appui de Moscou face aux pressions occidentales. Or, à ce que l’on comprend de l’actualité récente, cette chaîne de solidarité slave vient de se briser. Les Russes, aujourd’hui, cherchent à élargir leurs relations avec l’Union européenne et, quelle que soit l’affection que l’on peut porter par ailleurs à leur pays, tout donne à penser qu’ils ont décidé de lâcher leurs frères serbes pour des raisons de Realpolitik. La dernière aide financière demandée par le premier ministre serbe a ainsi été fortement restreinte et soumise à condition, laissant comprendre à la Serbie qu’elle devrait à l’avenir se tourner davantage vers Bruxelles, en ravalant sa fierté et en passant sous les fourches caudines de ses anciens agresseurs.

La Serbie, pour défendre ses intérêts, a alors fait preuve de la même Realpolitik et, cédant à l’«invitation» de ses nouveaux «protecteurs» européens, a passé au mois d’avril un accord avec le nouvel Etat kosovar, admettant de facto l’indépendance de ce dernier. Cet accord, nous affirme-t-on, reconnaît l’existence de la minorité serbe du Kosovo, lui concède une certaine autonomie et assure sa protection. Mais ce ne sont que des mots sur du papier! Cette minorité chrétienne – comme les autres – n’intéresse pas les médias occidentaux et son anéantissement n’arrachera à l’Europe qu’une larme polie et discrète.

Morale triste de l’histoire: souvenez-vous que l’amitié entre les peuples, même proches, n’est jamais qu’un bonheur fragile et instable; qu’une grande nation n’a pas souvent besoin d’une plus petite qu’elle; et qu’une petite se porte assurément mieux lorsqu’elle n’a pas besoin d’une plus grande.

Pollux

 

Thèmes associés: Politique internationale

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