«La Suisse est belle»

Oui, certes, la Suisse est belle et le sera encore davantage quand vous aurez lu le dernier  tome des œuvres de l’écrivain, journaliste et critique d’art vaudois Paul Budry (1883-1949), œuvres publiées par les Cahiers de la Renaissance vaudoise sous la houlette d’Yves Gerhard, grand connaisseur de Paul Budry devant l’Eternel.

Bien qu’il s’agisse, dans ce quatrième et dernier tome, de textes rédigés entre 1934 et 1945  par un homme qui  fut directeur romand de l’Office national suisse du tourisme de 1934 à 1946 et qui avait donc alors pour mission de faire de la promotion, les articles qui  composent La Suisse est belle1 et sont pour la plupart tirés de la revue Die Schweiz – La Suisse – La Svizzera – Switzerland, Revue mensuelle de l’Office national suisse du tourisme, des CFF, des PTT, etc., n’ont rien à voir avec le jargon publicitaire actuel. C’est de la belle et bonne  littérature, où la poésie côtoie l’humour. En voici un exemple:

 

Les oiseaux en détresse

Heureusement pour la gent volatile, les hivers ne sont pas tous aussi meurtriers que certain hiver 1931, qui, par un retour inopiné, faucha d’un coup des milliers d’alouettes rentrées de leur villégiature au Midi, sur la fausse nouvelle que le printemps était là. C’était pitié de voir, sur la plaine d’Areuse, ces bataillons de petits chanteurs joncher la neige, les pattes en l’air, comme après une Bérézina des oiseaux. Dans le port de Genève, une pointe de gel nocturne vous solidifia la rade, tandis que les troupeaux de foulques et de mouettes dormaient innocemment, la tête sous l’aile. Au matin, l’on vit l’ahurissant tableau de milliers d’ailes blanches et noires battant l’air au ras de la glace pour s’arracher à la mort froide, et l’on dut briser à coup de rames la vitre de la rade pour libérer ce peuple de bestioles terrifiées. Le long des berges, entre Neuchâtel et Serrières, cerné par le flot glacé, le gibier d’eau se pressait et s’entrechassait à la sortie des bouches d’égout tièdes, comme des clochards autour d’un brasero. Mais tous les hivers sont durs pour les oiseaux, si les hommes ne leur tendent pas la pièce. On dirait que ces concitoyens ailés ne demeurent au pays que pour ne nous faire point de peine, mais qu’ils attendent honnêtement le salaire de leur fidélité. Oubliez seulement de remplir le sachet à grumeaux qui pend à la fenêtre: les mésanges ne se gênent pas pour frapper à la vitre, avec de petits cris, qui doivent signifier en langue mésange: «Et mon dû?»

Les hirondelles, c’est commode. A peine la première feuille tombée aux tilleuls, ça boucle ses valises et ça part pour les Rivieras, pour revenir aux pâquerettes. Et l’on vous pose ces coureuses pour des modèles de fidélité! Parlez-moi des braves moineaux, qui, une fois établis dans une commune, n’en bougent plus de la vie, partageant en bons paroissiens nos bons et nos mauvais jours. (…)2

Paul Budry ayant sillonné la Suisse de long en large et de haut en bas, si l’on ose dire, toutes les régions géographiques, linguistiques et culturelles de notre pays apparaissent dans ses articles, qui manifestent l’amour qu’il porte à chacune d’elles, en toute saison.

Les illustrations qui ornent l’ouvrage sont tirées de la même revue que les textes et présentent donc, par la force des choses, un côté désuet plein de charme.

De nos jours, les CFF et La Poste s’adressent aux usagers par l’intermédiaire de newletters ou de spots tv, la chanson fétiche ferroviaire de 2012 s’appelait Welcome home, symbolisait «le glamour ferroviaire qui marche» et constituait un facteur d’harmonie, selon ses concepteurs, qui déclaraient tout uniment: «Avec les CFF, pas de risque de conflit linguistique et culturel – la chanson est en anglais.» Quant aux supports publicitaires proposés par ces mêmes CFF à leurs clients potentiels, ils peuvent revêtir, selon les cas, la forme de railposters, de railprints ou encore de gigaposters.

On me pardonnera donc un sentiment de nostalgie.

 

Mariette Paschoud

NOTES:

1 CRV 152, 2014, 231 pages, à commander aux Cahiers de la Renaissance vaudoise, case postale 142, 1814 La Tour-de-Peilz. Commande en ligne: .

2 Pp. 49-50.

Thèmes associés: Culture - Notes de lecture

Cet article a été vu 3642 fois

Recherche des articles

:

Recherche des éditions