Darwin avait tout faux

PolluxLe Pamphlet n° 437 Septembre 2014

On ne cesse d’observer, depuis quelques années, que le totalitarisme qu’on croyait propre à certains régimes politiques du XXe siècle est aujourd’hui plus vivant que jamais. Tout ce qu’on croyait disparu en 1989 lors de la chute du Mur de Berlin ressurgit dans certains Etats de l’Europe occidentale – d’ailleurs sans que l’opinion publique le remarque vraiment ou s’en offusque: restriction de la liberté d’expression, police politique, simulacres de procès se terminant par des verdicts choquants, fonctionnaires et magistrats craints par la population tout en craignant eux-mêmes leurs semblables, tout cela dans un cadre idéologique de plus en plus sévère à mesure qu’il devient de plus en plus absurde. On croyait que le monde avait évolué; on voit qu’il n’en est rien.

Dans le même ordre d’idées, on voit que la politique américaine en Europe est aujourd’hui la même que celle des années nonante, qui avait provoqué la guerre dans les Balkans, la création artificielle d’un Etat musulman au Kosovo, des déplacements et des «remplacements» de populations, et la transformation d’une région prête à se relever du communisme en une zone sous-développée et pauvre où règnent la loi du plus fort et quelques bases américaines. Un scénario similaire se déroule aujourd’hui en Ukraine et l’Europe, principale perdante d’une telle évolution, n’a visiblement pas retenu la leçon du passé.

Certains observateurs établissent un autre parallèle, plus sinistre. La récente commémoration des événements qui ont déclenché la Première Guerre mondiale donne à penser que l’Europe en est aujourd’hui au même stade: crise économique, agitations sociales, presse belliqueuse, bourgeois va-t-en-guerre, pacifistes prêts à tuer tous ceux qui ne partagent pas leur conception de la paix, populations déboussolées et remplies d’une haine aveugle à l’égard de leurs voisins désignés comme «ennemis».

Juste un exemple. En Ukraine, sur une chaîne de télévision privée fondée en novembre 2013 par des ambassades occidentales et par le financier George Soros, un certain Bogdan Boutkevitch, intello joufflu à lunettes, a déclaré que les «intérêts nationaux ukrainiens» commandaient d’«utiliser» le Donbass comme une «ressource de matières premières» et qu’il y avait dans cette région «des gens qui ne servent absolument à rien», soit «au minimum 1,5 million» sur les 4 millions qui y vivent. On peut disserter sur le sens exact de ces propos, et de l’allusion à ces «gens qu’il faut simplement tuer»; des coupures ont pu sortir ces mots de leur contexte, sans oublier les pièges de la traduction. Tout de même, les théories défendues ici, probablement partagées par une partie de l’actuel gouvernement de Kiev, se distinguent assez peu de celles qui prévalaient il y a un siècle.

On peut donc comprendre que beaucoup de gens craignent aujourd’hui l’éclatement d’une nouvelle guerre mondiale. D’une certaine manière, elle a déjà éclaté. Dans le monde arabe autant qu’en Ukraine, les troubles «civils» ont dégénéré extrêmement rapidement en affrontements militaires, et les logiques «nationales» dont ils semblaient initialement procéder – en Libye, en Syrie, en Irak, en Israël – se sont estompées peu à peu devant une géopolitique globale où l’on retrouve les deux superpuissances qui avancent leurs pions, le monde musulman dans sa logique d’expansion démographique et territoriale, la Chine en retrait et en attente avec d’autres pays non alignés, et l’Europe faible et insouciante. La seule question est de savoir si cette dernière restera épargnée par les combats qui se déroulent à sa périphérie ou si elle s’enflammera soudain elle aussi, sans que personne n’ait rien vu venir – auquel cas les historiens pourront véritablement réunir tous ces événements dans un même chapitre intitulé «Troisième guerre mondiale».

A ce stade, il ne sert à rien de se perdre en conjectures sur ce futur peu réjouissant. Contentons-nous de ce constat désabusé: les gens d’aujourd’hui sont les mêmes, exactement les mêmes que ceux d’hier et d’avant-hier. La science, la technique évoluent; pas l’être humain. En forçant à peine le trait, on pourrait penser qu’il y a là de quoi enterrer définitivement toutes les théories sur l’évolution des espèces vivantes.

Pollux

 

P. S. L’auteur n’a évidemment aucune envie que ces propos puissent apparaître comme un «manifeste pacifiste»! Tout de même, on doit admettre que la guerre est rarement une bonne chose. Certains peuvent penser qu’elle réalise une sorte de «grand nettoyage». Mais que de dégâts quand on fait le ménage sans ménagement! Trop souvent, la guerre tue plus de braves gens que de crapules, et détruit les belles réalisations du passé, tout en laissant subsister la laideur de la modernité. C’est extrêmement dommage.

Thèmes associés: Politique internationale

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