Etat nounou

L’un des quatre objets sur lesquels les Vaudois devront se prononcer le 27 septembre est le nouvel article constitutionnel 63a qui traite de l’accueil parascolaire des écoliers en âge de scolarité obligatoire et stipule que, en cas d’acceptation, les communes organiseraient, en collaboration avec l’Etat – entendez sous surveillance de l’Etat – et des partenaires privés, une prise en charge des écoliers en mal de parents le matin avant le début des cours, à midi et l’après-midi après la fin des cours. Cette disposition, qui se veut «une réponse à l’évolution de la société» [1] a obtenu au Grand Conseil «une très large majorité, avec quelques avis contraires et quelques abstentions». On ne nous donne pas de chiffres ni de noms. Sans doute sommes-nous tous censés lire avec régularité et passion les comptes rendus des débats de notre parlement cantonal. D’ailleurs, tout le monde sait que l’UDC est la seule formation politique opposée aux sages mesures qui permettront aux mères désireuses ou contraintes d’exercer une activité professionnelle, ainsi qu’aux pères veufs ou divorcés avec enfants, de vaquer à leurs occupations en toute tranquillité puisque l’Etat nounou veillera sur leur progéniture par communes et partenaires privés interposés.

Malheureusement, Nounou n’a pas pensé à tout: qu’advient-il, dans ce beau projet, des mères célibataires, veuves ou divorcées, des pères chargés de l’éducation de leurs enfants en cas de travail de nuit? Quid des chauffeurs de taxi, des serveurs, des employés des chemins de fer, des policiers, qui sont appelés à travailler toute la nuit ou au moins jusque tard le soir? Ne conviendrait-il pas d’organiser un accueil parascolaire nocturne? Et pourquoi pas un accueil parascolaire dominical? Il y a des tas de gens qui travaillent le dimanche!

Actuellement, la loi sur l’accueil de jour des enfants (LAJE) s’applique aux bouèbes qui n’ont pas atteint l’âge de douze ans. La nouvelle disposition étendra la sollicitude de Nounou aux adolescents qui n’auront pas terminé leur scolarité obligatoire, soit à des garçons et filles en plein «âge bête», dont on sait qu’ils ont besoin d’un savant mélange d’encadrement et de liberté et qu’ils sont souvent arrogants, voire agressifs. «Accueillir» ces jeunes gens «dans les locaux scolaires ou à proximité» en compagnie, forcément, d’enfants plus jeunes, voire carrément petits ne me paraît pas vraiment judicieux.

Certaines communes possèdent déjà des structures d’accueil. L’accueil pour enfants en milieu scolaire (APEMS) conçu pour les élèves de l’école primaire fait merveille à Lausanne, il faut le dire, et épargne à de nombreux parents le souci de trouver des solutions originales. Mais le problème n’est que reporté, puisqu’il n’existe plus rien de tel à partir de l’école secondaire, sous réserve de réfectoires. C’est alors qu’il faut faire preuve d’imagination. C’est alors qu’on découvre la réalité, à savoir que la mère socialement non évoluée d’un condisciple peut accueillir Fifils ou Fifille moyennant une modeste pension; qu’un adolescent normal est parfaitement apte à faire ses devoirs à la maison, seul ou avec un copain, en attendant le retour de papa et maman; qu’il y a des amis, des parents, des voisins aimables et serviables; que la notion de réciprocité permet toutes sortes d’arrangements satisfaisants du genre «Je garde ton gamin, tu me prêtes ta voiture à l’occasion», «Je surveille les devoirs de ta fille la semaine, tu fais de temps en temps mes courses le samedi».

Il est tout de même extravagant qu’à notre époque où tout le monde doit être solidaire de tout le monde, l’Etat prétende agir comme si l’entraide entre particuliers relevait du conte de fées.

Je voterai NON le 27 septembre.

NOTES:

[1] Brochure explicative du Conseil d’Etat p.13

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