Editorial

L'Union démocratique du centre vient de lancer son initiative pour l'autodétermination, qui vise à introduire dans la Constitution des dispositions qui posent le principe de la primauté du droit fédéral sur les traités internationaux.

L'art. 56a serait rédigé comme suit:

1 La Confédération et les cantons ne contractent aucune obligation de droit international qui soit en conflit avec la Constitution fédérale.

2 En cas de conflit d'obligations, ils veillent à ce que les obligations de droit international soient adaptées aux dispositions constitutionnelles, au besoin en dénonçant les traités internationaux concernés.

3 Les règles impératives du droit international sont réservées.

Les initiants visent particulièrement la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, qui a rendu contre la Suisse des arrêts «choquants»: interdiction d'expulsion d'un criminel, autorisation à un criminel étranger d'entrer en Suisse, approbation d'une association ayant un but illégal, interdiction de transférer en Italie (pays de premier accueil) une famille afghane, etc.

On rappelle que la Suisse a adhéré à la Convention européenne des droits de l'homme en 1974 sans consultation populaire, grâce à un tour de passe-passe du Conseil fédéral, qui a affirmé dans son message que chaque Etat pouvait résilier la Convention après un délai de cinq ans. Or, selon le droit en vigueur à l'époque, seuls les traités d'Etat conclus pour une durée indéterminée ou pour une durée de plus de quinze ans devaient être soumis au peuple si 30'000 citoyens ou huit cantons le réclamaient.

Le Parlement a donc renoncé au référendum facultatif sur les traités d'Etat, sans s'aviser qu'un tel traité était évidemment conclu pour une durée indéterminée, quand bien même il pouvait être dénoncé après cinq ans.

Cette petite manœuvre n'a pas eu de grandes conséquences, car la Convention ne contenait aucune disposition contraire à la Constitution et, s'il avait voté, le peuple aurait sans  doute approuvé notre adhésion à cette Convention. 

C'est probablement toujours le cas aujourd'hui, sous réserve de l'interprétation dynamique ou évolutive des textes. Et c'est pourquoi l'UDC n'a pas pour dessein d'exiger la résiliation par la Suisse de la Convention européenne des droits de l'homme, mais de rappeler que la Suisse doit rester maître de son droit.

Même l'Union européenne, à laquelle certains rêvent de nous voir adhérer, n'a pas accepté d'adhérer à la CEDH, pour préserver son indépendance juridique.

L'UDC a raison et on reste stupéfait de l'opposition des autres partis, et navré de la pauvreté de leurs arguments. Il faut donc signer l'initiative et la faire circuler.

Mais j'observe que l'indépendance de notre justice n'est pas réellement en danger; les arrêts de la Cour européenne ne limitent pas vraiment la jurisprudence du Tribunal fédéral, lequel se permet même de critiquer sévèrement les juges de Strasbourg dans la NZZ du 20 septembre 2013.

Il y a bien plus grave: c'est notre inféodation à l'ONU et notre obligation de respecter les sanctions que cette organisation décrète contre l'Irak, le Zimbabwe, le Bélarus, la République démocratique du Congo, la République centrafricaine, la République populaire démocratique de Corée, la Côte d'Ivoire, l'Erythrée, la Guinée, la Guinée-Bissau, l'Iran, la Libye, le Myanmar, le Libéria, la Somalie, la Syrie et le Soudan.

Notre pays est-il en conflit avec ces Etats? Nos intérêts sont-ils menacés par ces pays? Non point. Mais une loi fédérale du 22 mars 2002 sur l'application de sanctions internationales confère au Conseil fédéral la compétence d'édicter (par voie d'ordonnance) des mesures de coercition pour appliquer les sanctions décrétées par l'Organisation des Nations Unies, par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ou par les principaux partenaires commerciaux de la Suisse.

La Suisse peut-elle se prétendre neutre lorsqu'elle applique, sans que ses propres intérêts soient en jeu, des sanctions contre tel ou tel Etat sur ordre de l'ONU, de l'OSCE, ou pire, à la requête de ses principaux partenaires commerciaux? On ne saurait être plus cynique: le bon droit se trouve où sont les gros sous.

Vivement une initiative pour notre sortie de l'ONU, de l'OSCE et de tous ces machins bavards et inutiles.

Claude Paschoud

Thèmes associés: Politique fédérale

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