Rabat-joie
Les flux d'immigrés qui se précipitent sur notre continent commencent à faire réagir les Européens. Les attentats terroristes ont réveillé des accents guerriers même chez les plus bisounours de nos concitoyens – disons: chez une partie d'entre eux. La France a décrété l'état d'urgence et la police peut mener des perquisitions sans attendre le bon vouloir d'une magistrature idéologiquement suspecte. Les Français ont voté massivement pour le FN, et les Suisses pour l'UDC. Les socialistes, les journalistes, les juges fédéraux qui encouragent le port du voile dans les écoles suisses apparaissent comme autant de pathétiques fossiles qui ne tarderont pas à disparaître dans les poubelles de l'histoire.
Bon, alors, tout va enfin aller mieux? Voire…
Nous assistons probablement à une réaction plus qu'à un changement profond. Le système reste fondé sur les principes de la démocratie moderne, où ceux qui gouvernent ne sont généralement pas les meilleurs mais les plus habiles à se faire élire et les plus soucieux de se faire réélire. Lorsqu'ils commencent à remporter des succès électoraux, les partis qui semblent avoir de bonnes idées sont rapidement rejoints par des opportunistes qui n'en ont aucune. La notion même de parti fait référence aux idées de gauche: la division plutôt que l'unité, l'individualisme (ou une sorte de collectivisme individualiste) contre la communauté, la lutte des classes qui devient une lutte de tous contre tous, la haine de l'autre (le riche, le propriétaire, le patron) qui est pourtant beaucoup moins «autre» que beaucoup d'autres. Les temples de notre civilisation sont toujours les supermarchés et les parcs de loisirs. C'est dire si, notamment face à la force symbolique de l'islamisme, la société européenne reste faible.
Au-delà des grands clivages idéologiques, il y a aussi les multiples tentations qui guettent l'être humain: celle d'abuser du pouvoir que l'on détient, plutôt que d'en user avec sagesse; celle de se venger de ceux qui s'y sont accrochés avant nous, plutôt que d'encourager la réconciliation; celle de faire taire ceux qui pensent faux, plutôt que de les convaincre. En cela – mais il nous en coûte de l'écrire! –, le premier ministre français Manuel Valls, le Marat de la Cinquième République, n'a hélas peut-être pas entièrement tort en déclarant que la percée du Front national peut conduire à la guerre civile; non pas par la faute de ce parti, mais par celle de tout le monde, à cause de la division de la société et de l'agressivité ambiante, encouragées par tous ceux qui ont exercé le pouvoir jusqu'à présent.
Tout cela pour dire que nous préférerions voir aujourd'hui un peu moins de jubilation et davantage de sagesse. Gagner les élections est une chose; éduquer une nouvelle génération à penser intelligemment et selon de justes principes en est une autre.
Pollux
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