Armée en déroute
Comme nos lecteurs le savent, un référendum1 a été lancé contre la réforme dite Développement de l'armée (DEVA). Notre collaborateur François Villard, membre du Groupement Giardino, qui se bat pour le maintien d'une véritable armée de milice, a exprimé à plusieurs reprises les raisons pour lesquelles il serait dangereux de diminuer encore les effectifs de l'armée suisse.
Mais on ne saurait se faire une opinion sans prendre en compte certains arguments des partisans du DEVA, dont ceux-ci:
- Compte tenu du contexte politique, de l'opposition du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) et du Parti socialiste, notamment, il est impossible de mettre sur pied une armée parfaite. Il faut donc essayer d'agir au mieux dans le domaine du possible.
- Une armée de 100'000 hommes est certes insuffisante, mais ces 100'000 hommes seront en fait plutôt 120'000 et on peut espérer revenir progressivement à un effectif de 200'000 hommes.
- L'obtention d'un crédit de 5'000'000'000 de francs par an permettra de moderniser l'équipement de l'armée. Une armée de taille réduite mais bien équipée est préférable à une armée plus importante mais dotée d'un équipement obsolète.
- Si le DEVA est refusé par référendum, les socialistes obtiendront l'annulation de ce budget.
Il est vrai que l'armée idéale n'existe pas. Encore faudrait-il s'entendre sur ce qu'on appelle «agir au mieux dans le domaine du possible».
Pourquoi proposer une armée de cent mille hommes si on espère en revenir un jour à l'effectif actuel? Pourquoi ne pas conserver simplement ce qui existe? C'est un phénomène connu qu'une réforme insatisfaisante, au lieu d'être corrigée par un retour en arrière, se trouve le plus souvent aggravée par la réforme suivante.
Il est évidemment nécessaire de disposer d'une armée bien équipée. Mais l'alternative ne se réduit pas fatalement à un choix entre une armée de taille réduite bien équipée et une armée plus importante dotée d'un équipement obsolète. Ce qu'il faut obtenir, c'est une armée aux effectifs suffisants et bien équipée. Je sais qu'il s'agit d'une décision politique qui se heurte à des oppositions d'ordre idéologique, mais ce n'est pas une raison pour abandonner le combat. A quoi bon un équipement dernier cri s'il n'y a pas assez de monde pour s'en servir, pour occuper le terrain et défendre les frontières?
Il est évident que les socialistes feront tout ce qu'ils peuvent pour obtenir la diminution du budget de l'armée. Ce sont les autres qu'il faudra convaincre que l'évolution de la situation géopolitique nécessite de grands moyens. Et ce n'est pas en acceptant une armée croupion, même très bien équipée, qu'on y parviendra.
Ce n'est pas non plus avec une armée croupion qu'on résoudra les problèmes des quasi-volontaires qui font du service et de l'avancement. L'époque où les patrons, heureux de disposer de cadres bien formés par l'armée, trouvaient normales les absences de ces employés pour cause de service militaire est révolue. Un grand nombre de cadres d'entreprise sont payés au rendement et fortement pénalisés par leurs obligations militaires, quand leurs employeurs ne leur demandent pas de se faire réformer ou qu'ils ne peuvent pas profiter d'une double nationalité pour échapper à la conscription. C'est du moins ce qui ressort d'un très bon article de la Nation2 signé Alain Mermoud.
Qu'adviendrait-t-il de l'emploi de ces courageux en cas de mobilisation?
Il est essentiel que les effectifs soient plus que suffisants, afin que l'armée de milice dispose d'un réservoir propre à assurer une rotation des militaires engagés.
Pour cela, il faut rétablir la véritable conscription obligatoire et supprimer le service civil.
Je voudrais ne plus jamais avoir à lire, sous la plume d'un officier de l'armée suisse amer, que «le coût de la sécurité produite par l'armée (…) [est transféré] sur ce qui est aujourd'hui devenu de fait une minorité discriminée: le citoyen soldat de sexe masculin, mono-national, âgé de 18 à 35 ans, apte au service et qui ne triche pas avec la conscription obligatoire»3.
Mariette Paschoud
1 On peut télécharger des listes de signatures dans les quatre langues nationales en suivant le lien www.armee-reduite-de-moitie-non.ch, rubrique «formulaire» en haut à droite, puis «download». On peut également en commander à l'adresse suivante: Comité de citoyens pour notre sécurité – Non à la réduction de moitié de l'armée / Case postale 7701 / 6302 Zoug.
2 La Nation no 2044 du 13 mai 2016, page 4.
3 Ibid.
Thèmes associés: Armée - Politique fédérale
Cet article a été vu 3712 fois