Absurdité du service civil
«Tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire. La loi prévoit un service civil de remplacement ». Telle est la formulation actuelle, dans la Constitution entrée en vigueur en 2000, de l’obligation générale de service, qui était naguère une obligation de service militaire. Une loi fédérale sur le service civil (RS 824.0) est entrée en vigueur en 1996 déjà, à l’époque où l’obligation de servir figurait à l’article 18 de la Constitution de 1874.
Jusqu'à fin mars 2009, la loi sur le service civil appliquait une procédure complexe pour l'admission au service civil. Il fallait exposer ses motifs par écrit de manière circonstanciée et se soumettre à une audition personnelle devant une sous-commission d'admission où il fallait encore motiver ses raisons de façon crédible. La loi sur le service civil révisée est en vigueur depuis le 1er avril 2009. Depuis lors, la procédure d'admission a été considérablement simplifiée. Ainsi, les personnes en butte à un conflit de conscience peuvent déposer une demande d'admission au service civil par une formule, disponible sur le site web officiel de l'Organe d'exécution du service civil. En règle générale, une décision est rendue dans les deux semaines qui suivent. La loi sur le service civil révisé fixe la solution dite «de la preuve par l'acte». Cela signifie que l'on considère que le requérant qui se montre disposé à accomplir un service une fois et demie plus long que le service militaire a suffisamment de raisons sérieuses de ne pouvoir accomplir de service militaire.
Concrètement, cela signifie aussi la fin de l’obligation générale du service militaire, et l’instauration d’un libre choix.
Aujourd’hui, les responsables se plaignent du fait que le service civil, comme ils disent, est «victime de son succès»; en d’autres termes, qu’il y a tellement de jeunes Suisses qui choisissent le service civil à la place du service militaire que l’armée souffre de sous-effectifs d’une part, et que d’autre part il n’existe pas suffisamment d’établissements susceptibles d’accueillir les «civilistes».
Ces deux conséquences étaient largement prévisibles et il fallait être aussi bête que les auteurs de la modification de 2009 pour n’avoir pas su les voir.
Comme nous l’avons déjà démontré il y a plus de trente ans, le principe même du service civil est une sottise, car il n’existe pas une seule activité – pour un citoyen qui ne peut concilier les impératifs de sa conscience avec l’accomplissement d’un service militaire – plus digne de rendre d’éminents services à la communauté, à la préservation de la paix, à l’intégration sociale que celle consistant à exercer son métier, dans son entreprise habituelle, selon ses horaires contractuels, et à rentrer dormir chaque soir dans son lit, aux côtés de son épouse, après avoir raconté une histoire à ses enfants.
Extraire un individu de son entreprise, où il est supposé rentable – un employeur ne lui verserait pas un salaire dans le cas contraire – pour le placer dans un établissement ou une exploitation qui lui fera exécuter un travail pour lequel il n’est ni motivé ni même compétent est un invraisemblable gaspillage économique.
Il faut être aussi socialement inutile qu’un psychiatre en ballon dirigeable pour trouver positif l’engagement d’un bataillon de «civilistes» dans le piquetage du parcours de descente ou de slalom d’une compétition de ski.
Une telle activité, en outre, ne répond en rien aux critères décrits dans la loi: la descente du Lauberhorn n’est ni une institution publique ni une institution privée exerçant une activité d’utilité publique. Le damage des pistes pour le compte des organisateurs – qui disposent par ailleurs de ressources financières considérables – ne constitue ni un renforcement de la cohésion sociale, en particulier par l’amélioration de la situation des personnes ayant besoin d’aide, d’appui ou de soins; ni la mise sur pied de structures en faveur de la paix par la réduction du potentiel de violence; ni la sauvegarde et la protection du milieu naturel et l’encouragement du développement durable; ni la conservation du patrimoine culturel.
L’enrôlement de «civilistes» dans ce genre d’activité ne permet pas au service civil de réaliser ses objectifs dans l’un des domaines prescrits par la loi, soit la santé, le service social, la conservation des biens culturels, la protection de la nature et de l’environnement, l’entretien du paysage ou des forêts, l’agriculture, la coopération au développement et l’aide humanitaire, l’aide en cas de catastrophe et de situation d’urgence.
Et donc, non seulement les effectifs nécessaires aux missions de l’armée font défaut, mais on distrait des entreprises, à grands frais, des collaborateurs utiles pour leur faire exécuter sans compétences des tâches idiotes, sans intérêt économique, que les bénéficiaires auraient dû normalement faire faire par du personnel compétent qu’il aurait fallu payer!
D’un point de vue rationnel, autant rendre le service militaire facultatif et se contenter de prélever chez ceux qui renoncent à offrir leurs services une contribution de remplacement exclusivement financière, tant il est vrai que le citoyen libre ne doit à l’Etat que le service armé. Si le service à l’Etat n’est pas un service armé, aucun service personnel n’est dû dans un pays libre.
Claude Paschoud
Jusqu'à fin mars 2009, la loi sur le service civil appliquait une procédure complexe pour l'admission au service civil. Il fallait exposer ses motifs par écrit de manière circonstanciée et se soumettre à une audition personnelle devant une sous-commission d'admission où il fallait encore motiver ses raisons de façon crédible. La loi sur le service civil révisée est en vigueur depuis le 1er avril 2009. Depuis lors, la procédure d'admission a été considérablement simplifiée. Ainsi, les personnes en butte à un conflit de conscience peuvent déposer une demande d'admission au service civil par une formule, disponible sur le site web officiel de l'Organe d'exécution du service civil. En règle générale, une décision est rendue dans les deux semaines qui suivent. La loi sur le service civil révisé fixe la solution dite «de la preuve par l'acte». Cela signifie que l'on considère que le requérant qui se montre disposé à accomplir un service une fois et demie plus long que le service militaire a suffisamment de raisons sérieuses de ne pouvoir accomplir de service militaire.
Concrètement, cela signifie aussi la fin de l’obligation générale du service militaire, et l’instauration d’un libre choix.
Aujourd’hui, les responsables se plaignent du fait que le service civil, comme ils disent, est «victime de son succès»; en d’autres termes, qu’il y a tellement de jeunes Suisses qui choisissent le service civil à la place du service militaire que l’armée souffre de sous-effectifs d’une part, et que d’autre part il n’existe pas suffisamment d’établissements susceptibles d’accueillir les «civilistes».
Ces deux conséquences étaient largement prévisibles et il fallait être aussi bête que les auteurs de la modification de 2009 pour n’avoir pas su les voir.
Comme nous l’avons déjà démontré il y a plus de trente ans, le principe même du service civil est une sottise, car il n’existe pas une seule activité – pour un citoyen qui ne peut concilier les impératifs de sa conscience avec l’accomplissement d’un service militaire – plus digne de rendre d’éminents services à la communauté, à la préservation de la paix, à l’intégration sociale que celle consistant à exercer son métier, dans son entreprise habituelle, selon ses horaires contractuels, et à rentrer dormir chaque soir dans son lit, aux côtés de son épouse, après avoir raconté une histoire à ses enfants.
Extraire un individu de son entreprise, où il est supposé rentable – un employeur ne lui verserait pas un salaire dans le cas contraire – pour le placer dans un établissement ou une exploitation qui lui fera exécuter un travail pour lequel il n’est ni motivé ni même compétent est un invraisemblable gaspillage économique.
Il faut être aussi socialement inutile qu’un psychiatre en ballon dirigeable pour trouver positif l’engagement d’un bataillon de «civilistes» dans le piquetage du parcours de descente ou de slalom d’une compétition de ski.
Une telle activité, en outre, ne répond en rien aux critères décrits dans la loi: la descente du Lauberhorn n’est ni une institution publique ni une institution privée exerçant une activité d’utilité publique. Le damage des pistes pour le compte des organisateurs – qui disposent par ailleurs de ressources financières considérables – ne constitue ni un renforcement de la cohésion sociale, en particulier par l’amélioration de la situation des personnes ayant besoin d’aide, d’appui ou de soins; ni la mise sur pied de structures en faveur de la paix par la réduction du potentiel de violence; ni la sauvegarde et la protection du milieu naturel et l’encouragement du développement durable; ni la conservation du patrimoine culturel.
L’enrôlement de «civilistes» dans ce genre d’activité ne permet pas au service civil de réaliser ses objectifs dans l’un des domaines prescrits par la loi, soit la santé, le service social, la conservation des biens culturels, la protection de la nature et de l’environnement, l’entretien du paysage ou des forêts, l’agriculture, la coopération au développement et l’aide humanitaire, l’aide en cas de catastrophe et de situation d’urgence.
Et donc, non seulement les effectifs nécessaires aux missions de l’armée font défaut, mais on distrait des entreprises, à grands frais, des collaborateurs utiles pour leur faire exécuter sans compétences des tâches idiotes, sans intérêt économique, que les bénéficiaires auraient dû normalement faire faire par du personnel compétent qu’il aurait fallu payer!
D’un point de vue rationnel, autant rendre le service militaire facultatif et se contenter de prélever chez ceux qui renoncent à offrir leurs services une contribution de remplacement exclusivement financière, tant il est vrai que le citoyen libre ne doit à l’Etat que le service armé. Si le service à l’Etat n’est pas un service armé, aucun service personnel n’est dû dans un pays libre.
Claude Paschoud
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