De l'irréfutabilité et de la bravoure des géographes dans l'identification de la ségrégation scolaire
«Certains quartiers des grandes villes tiennent presque du ghetto, avec jusqu’à trois quarts de jeunes étrangers.» Ce n’est pas un politicien UDC infréquentable qui déclare cela dans 24 heures du 8 mai dernier, mais M. Pierre Dessemontet, géographe coauteur d'une étude intitulée La Suisse romande en 25 cartes: les facettes d'une région affirmée. Ladite étude a été réalisée à la demande du Forum des 100, rendez-vous mondain de L’Hebdo réunissant chaque année quelques intellectuels occupés à penser la Suisse romande une et indivisible.
Un milieu plutôt bon chic bon genre, donc, dans lequel le constat évoqué plus haut – l’existence de ghettos d’immigrés dans les villes suisses – ne peut déboucher que sur des conclusions politiquement correctes: «La Suisse […] manque de structures pour gérer ces situations.» Et surtout: «Malgré les discours égalitaires, en l’état, l’école semble être le facteur le plus discriminant de la société urbaine suisse. […] Clairement, les capacités scolaires ne peuvent pas être mises en cause. S’il y a très peu d’habitants de la Bourdonnette qui vont au gymnase, c’est qu’il y a ségrégation.»
Si des géographes nous affirment qu'il y a ségrégation, il faut le croire. Les géographes sont irréfutables. Ce sont des gens sérieux, parfaitement aptes à apprécier les capacités scolaires des élèves étrangers. Car la géographie, comme chacun le sait, est la science qui s’occupe de dénoncer les discriminations dont sont victimes les immigrés.
Personne, d'ailleurs, n'osera contester les conclusions de ces messieurs puisque – comme le souligne le journaliste de 24 heures –, «n’étant basées que sur la réalité des chiffres, elles ne sont guère contestables». Comment pourrait-on mettre en doute des conclusions, même iconoclastes, du moment qu'elles sont basées sur la réalité des faits? Comme l'explique avec une certaine candeur l'un des auteurs de l’étude: «Si elles [les conclusions] s’éloignent de ce que nous avons l’habitude d’entendre, c’est simplement parce que nous avons choisi une autre grille de lecture des statistiques.» Lorsqu'on les manipule au travers d'une grille soigneusement choisie, les statistiques, elles aussi, sont irréfutables.
On remarquera enfin que les statistiques sont particulièrement irréfutables lorsqu'elles confirment des choses que chacun savait déjà – par exemple que certains quartiers sont désormais habités très majoritairement par des étrangers et que beaucoup d'enfants qui y vivent sont des crouilles de gamins qui ne réussiront pas à entrer au gymnase. Tout l'art du géographe consiste dès lors à donner l'impression que son travail apporte malgré tout quelque chose de nouveau et d'essentiel, voire qu'il constitue un acte de bravoure. C'est pourquoi le susnommé M. Dessemontet précise: «Nous prenons des risques en donnant ces chiffres. Nos conclusions pourraient devenir une bombe politique.» Ce n'est peut-être pas faux, mais il reste à savoir entre les mains de qui elle tombera.
Un milieu plutôt bon chic bon genre, donc, dans lequel le constat évoqué plus haut – l’existence de ghettos d’immigrés dans les villes suisses – ne peut déboucher que sur des conclusions politiquement correctes: «La Suisse […] manque de structures pour gérer ces situations.» Et surtout: «Malgré les discours égalitaires, en l’état, l’école semble être le facteur le plus discriminant de la société urbaine suisse. […] Clairement, les capacités scolaires ne peuvent pas être mises en cause. S’il y a très peu d’habitants de la Bourdonnette qui vont au gymnase, c’est qu’il y a ségrégation.»
Si des géographes nous affirment qu'il y a ségrégation, il faut le croire. Les géographes sont irréfutables. Ce sont des gens sérieux, parfaitement aptes à apprécier les capacités scolaires des élèves étrangers. Car la géographie, comme chacun le sait, est la science qui s’occupe de dénoncer les discriminations dont sont victimes les immigrés.
Personne, d'ailleurs, n'osera contester les conclusions de ces messieurs puisque – comme le souligne le journaliste de 24 heures –, «n’étant basées que sur la réalité des chiffres, elles ne sont guère contestables». Comment pourrait-on mettre en doute des conclusions, même iconoclastes, du moment qu'elles sont basées sur la réalité des faits? Comme l'explique avec une certaine candeur l'un des auteurs de l’étude: «Si elles [les conclusions] s’éloignent de ce que nous avons l’habitude d’entendre, c’est simplement parce que nous avons choisi une autre grille de lecture des statistiques.» Lorsqu'on les manipule au travers d'une grille soigneusement choisie, les statistiques, elles aussi, sont irréfutables.
On remarquera enfin que les statistiques sont particulièrement irréfutables lorsqu'elles confirment des choses que chacun savait déjà – par exemple que certains quartiers sont désormais habités très majoritairement par des étrangers et que beaucoup d'enfants qui y vivent sont des crouilles de gamins qui ne réussiront pas à entrer au gymnase. Tout l'art du géographe consiste dès lors à donner l'impression que son travail apporte malgré tout quelque chose de nouveau et d'essentiel, voire qu'il constitue un acte de bravoure. C'est pourquoi le susnommé M. Dessemontet précise: «Nous prenons des risques en donnant ces chiffres. Nos conclusions pourraient devenir une bombe politique.» Ce n'est peut-être pas faux, mais il reste à savoir entre les mains de qui elle tombera.
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