Le niqab de la discorde

Après s’être étripés pour ou contre les minarets, voici que les Suisses se mobilisent pour ou contre le port de la burqa ou du niqab dans les espaces publics.

Les journalistes ont entamé le débat pour faire comme en France, ou parce qu’ils aiment les débats d’idées, ou pour être prêts à dire quelque chose le jour – peut être prochain – où il faudra prendre une décision,

Actuellement, la question, en Suisse, ne se pose pas, car hormis deux douzaines de riches ressortissantes des Emirats par année, débarquant d’une puissante Mercedes pour s’engouffrer chez un joaillier genevois, on ne voit pas plus de burqa que de niqab chez nous.

Les partisans d’une interdiction peuvent être classifiés, grosso modo, en trois catégories. D’abord, les «islamophobes» et assimilés, soit ceux qui estiment que nos vertes vallées sont menacées d’une invasion patiente de musulmans nullement désireux de s’intégrer à nos mœurs, mais souhaitant plutôt nous imposer les leurs.

La deuxième catégorie comprend les partisans de la sécurité, qui observent – à juste titre – qu’un niqab peut cacher un terroriste puissamment armé aussi aisément qu’une ravissante jeune fille.

La troisième catégorie regroupe les défenseurs de la dignité de la femme, qui s’indignent de l’état de sujétion visible des femmes revêtues du voile intégral, manifestation révolue depuis un siècle en Occident de la suprématie masculine.

En face, on ne trouve guère que les défenseurs de la liberté religieuse, qui seront battus d’avance dans le débat pour deux raisons: d’abord, la religion musulmane ne prescrit nullement aux femmes le port du voile intégral, et secundo, la liberté de religion ne saurait justifier n’importe quel comportement ou n’importe quelle tenue.

Mais il existe pourtant des arguments contre l’interdiction du voile.

Les défenseurs farouches de la dignité de la femme seraient plus crédibles si on les voyait monter aux barricades contre la pornographie et le racolage public, contre les concours de Miss ceci et Miss cela, contre la dictature des designers publicitaires qui imposent aux mannequins-esclaves une silhouette anorexique, toutes manifestations visibles de la servitude dans laquelle se complaisent certaines filles d’Eve: esclaves des modes, sont-elles moins à plaindre que les esclaves consentantes de leur mari, de leur frère, de leur amant?

Les gardiens de la sécurité n’ont pas tort d’être gênés par la présence, dans la rue, de ces fantômes dont on ignore ce que cache l’ample suaire. Mais est-il plus rassurant de croiser des racailles encapuchonnées, les yeux cachés par des lunettes noires, ou des voyous aux blousons de cuir, le chef ceint d’un casque intégral de motard?

Que de telles tenues soient malvenues dans le hall des banques, on peut le comprendre et c’est la liberté du banquier, comme de la boulangère, de refuser ses services à ces êtres étranges. Mais dans la rue ? Est-il raisonnable d’interdire aux prêtres de déambuler en soutane, ou aux candidats à Zofingue d’être déguisés, pour leur traditionnel «charriage public», en clown, en astronaute… ou en musulmane?

Ceux qui craignent l’islamisation rampante de l’Europe n’ont pas tort, et je m’honore d’en faire partie, mais ce n’est pas en interdisant la burqa qu’on va éviter l’invasion. Ce n’était pas non plus en refusant l’érection de nouveaux minarets, sans doute, interdiction que j’ai soutenue, parce qu’elle était, comme on dit aujourd’hui, un «signal fort». Mais la multiplication des signaux n’est ni nécessaire ni suffisante.

Si l’islam n’était qu’une religion, on devrait en tolérer l’exercice, comme on a raison de tolérer que les juifs, les pentecôtistes ou les bouddhistes pratiquent leur culte. On s’étonne pourtant de l’ostracisme que subissent les disciples de Ron Hubbard ou ceux de Claude Sérillon-Raël. On s’étonne plus encore des persécutions qui s’abattent sur tous ceux qui ne croient pas à la religion officielle obligatoire de l’Holocauste.

Mais l’islam n’est pas seulement une religion. C’est également un système juridique et politique. A ce titre, il est fondamentalement inassimilable dans la société européenne et il ne pourra s’y faire une place qu’au prix de l’élimination du christianisme.

La société civile doit donc refuser avec détermination les «exceptions culturelles» exigées par les musulmans: carrés particuliers dans les cimetières, horaires particuliers à la piscine, menus particuliers à la cantine, conditions de travail particulières durant le Ramadan, mariages par délégation et polygamie, tribunaux de la charia etc. au motif que l’islam est toléré dans notre pays mais qu’il n’est pas le bienvenu.

Mais cela posé, et après avoir laissé braire ceux qui hurleront à l’«islamphobie», on pourra inviter les banquiers et les boulangères à édicter des règles sur le port de la burqa ou du niqab dans leurs locaux et s’abstenir d’en fixer dans les lieux publics.

C.P.

Thèmes associés: Politique fédérale - Religion

Cet article a été vu 3963 fois

Recherche des articles

:

Recherche des éditions