Ils ont baissé le ton
Nous autres Suisses n’y avons aucun mérite, mais notre histoire nous a permis de vivre, bien avant la création de l’Union européenne, le passage des monnaies nationales (cantonales) à la monnaie unique, et les conséquences économiques de cette unification monétaire.
C’est lors de l’introduction de la première Constitution fédérale, en 1848, qu’est confié à la Confédération le droit régalien de battre monnaie. En 1860, les monnaies d’or françaises ont cours légal et en 1865, la Suisse fonde avec la France, la Belgique et l’Italie une union monétaire latine à laquelle la Grèce adhère en 1868.
Lors de la révision totale de la Constitution de 1874, l’article 39 alinéa 1 pose que «le droit d’émettre des billets de banque et toute autre monnaire fiduciaire appartient exclusivement à la Confédération». Il faudra pourtant attendre 1906 pour voir la création de la Banque nationale suisse.
En Pays de Vaud, les batz (prononcer: bache) créés en 1804 ont encore cohabité avec la monnaie suisse jusqu’au début du XXe siècle.
L’unification de la monnaie, sur un territoire hétérogène, constitué d’entités très différentes aux plans des ressources naturelles, du développement économique, du type de population, des possibilités de liaisons ferroviaires etc., cette unification a pour effet qu’elle empêche tout à coup, brutalement, toute adaptation des flux d’échanges à la valeur des monnaies respectives. La valeur de la monnaie soleuroise ne pouvant plus varier par rapport à celle de la monnaie valaisanne, ni par adaptation automatique (loi de l’offre et de la demande) ni par manipulation provoquée (dévaluation/réévaluation), il devait en résulter immanquablement que la région à l’économie la plus florissante (Soleure) finisse par entretenir la région à l’économie la plus faible (Valais), comme aujourd’hui la République fédérale allemande entretient la Grèce, l’Espagne, le Portugal et dans une certaine mesure même la France.
Pendant tout le siècle passé, et notamment à cause des deux guerres mondiales auxquelles nous avons échappé, un certain sentiment d’appartenance commune a lié les différents cantons, et la conscription obligatoire a permis au mitrailleur soleurois et au soldat du train valaisan de se sentir de véritables confédérés.
On savait bien que les ressortissants du triangle Bâle-Berne-Zurich entretenaient peu ou prou de leurs impôts les régions les plus défavorisées, mais on ne s’en indignait pas, parce que le sentiment d’appartenance à la Confédération était encore vif. Il l’est aujourd’hui un peu moins, et il tendra à disparaître par la suppression du service militaire obligatoire, mais il en subsiste encore assez pour que la Suisse ne bascule pas demain dans la situation de la Belgique.
* * *
En Europe, le sentiment d’appartenance commune est absent du cœur des peuples. Il n’existe, et encore, que dans les discours officiels, chez les fonctionnaires de Bruxelles ou chez les journalistes déconnectés des réalités.
Dans l’Union européenne, tout divise et tout sépare: la langue, les mœurs, le droit, l’ardeur au travail et le souci de l’œuvre bien faite chez les uns ou au contraire la paresse, les revendications et le népotisme chez d’autres.
La création d’une monnaie commune aux parités fixes était une erreur économique flagrante. La situation actuelle en est la démonstration, et on n’a pas encore subi le pire. Il faut être un grand naïf pour croire que la France, pour ne parler que d’elle, puisse éviter le naufrage annoncé en prêtant à la Grèce des milliards d’euros qu’elle n’a pas.
Même M. Bernard Madoff (qui a eu l’idée de son escroquerie, paraît-il, en copiant la gestion de notre AVS-AI, qui consiste à payer les créanciers actuels avec les contributions des créanciers futurs), a fini par se faire attraper. On ne peut éternellement produire 100 et consommer 200 sans que quelqu’un, quelque part, paie la différence.
La crise monétaire actuelle en Europe a eu un effet bénéfique au moins: les partisans de notre adhésion aux Communautés ont sérieusement baissé le ton.
Il était temps!
Claude Paschoud
C’est lors de l’introduction de la première Constitution fédérale, en 1848, qu’est confié à la Confédération le droit régalien de battre monnaie. En 1860, les monnaies d’or françaises ont cours légal et en 1865, la Suisse fonde avec la France, la Belgique et l’Italie une union monétaire latine à laquelle la Grèce adhère en 1868.
Lors de la révision totale de la Constitution de 1874, l’article 39 alinéa 1 pose que «le droit d’émettre des billets de banque et toute autre monnaire fiduciaire appartient exclusivement à la Confédération». Il faudra pourtant attendre 1906 pour voir la création de la Banque nationale suisse.
En Pays de Vaud, les batz (prononcer: bache) créés en 1804 ont encore cohabité avec la monnaie suisse jusqu’au début du XXe siècle.
L’unification de la monnaie, sur un territoire hétérogène, constitué d’entités très différentes aux plans des ressources naturelles, du développement économique, du type de population, des possibilités de liaisons ferroviaires etc., cette unification a pour effet qu’elle empêche tout à coup, brutalement, toute adaptation des flux d’échanges à la valeur des monnaies respectives. La valeur de la monnaie soleuroise ne pouvant plus varier par rapport à celle de la monnaie valaisanne, ni par adaptation automatique (loi de l’offre et de la demande) ni par manipulation provoquée (dévaluation/réévaluation), il devait en résulter immanquablement que la région à l’économie la plus florissante (Soleure) finisse par entretenir la région à l’économie la plus faible (Valais), comme aujourd’hui la République fédérale allemande entretient la Grèce, l’Espagne, le Portugal et dans une certaine mesure même la France.
Pendant tout le siècle passé, et notamment à cause des deux guerres mondiales auxquelles nous avons échappé, un certain sentiment d’appartenance commune a lié les différents cantons, et la conscription obligatoire a permis au mitrailleur soleurois et au soldat du train valaisan de se sentir de véritables confédérés.
On savait bien que les ressortissants du triangle Bâle-Berne-Zurich entretenaient peu ou prou de leurs impôts les régions les plus défavorisées, mais on ne s’en indignait pas, parce que le sentiment d’appartenance à la Confédération était encore vif. Il l’est aujourd’hui un peu moins, et il tendra à disparaître par la suppression du service militaire obligatoire, mais il en subsiste encore assez pour que la Suisse ne bascule pas demain dans la situation de la Belgique.
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En Europe, le sentiment d’appartenance commune est absent du cœur des peuples. Il n’existe, et encore, que dans les discours officiels, chez les fonctionnaires de Bruxelles ou chez les journalistes déconnectés des réalités.
Dans l’Union européenne, tout divise et tout sépare: la langue, les mœurs, le droit, l’ardeur au travail et le souci de l’œuvre bien faite chez les uns ou au contraire la paresse, les revendications et le népotisme chez d’autres.
La création d’une monnaie commune aux parités fixes était une erreur économique flagrante. La situation actuelle en est la démonstration, et on n’a pas encore subi le pire. Il faut être un grand naïf pour croire que la France, pour ne parler que d’elle, puisse éviter le naufrage annoncé en prêtant à la Grèce des milliards d’euros qu’elle n’a pas.
Même M. Bernard Madoff (qui a eu l’idée de son escroquerie, paraît-il, en copiant la gestion de notre AVS-AI, qui consiste à payer les créanciers actuels avec les contributions des créanciers futurs), a fini par se faire attraper. On ne peut éternellement produire 100 et consommer 200 sans que quelqu’un, quelque part, paie la différence.
La crise monétaire actuelle en Europe a eu un effet bénéfique au moins: les partisans de notre adhésion aux Communautés ont sérieusement baissé le ton.
Il était temps!
Claude Paschoud
Thèmes associés: Economie - Politique fédérale
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