Droit à la vie
Un des sujets sur lesquels nous devrons voter le 15 mai traite de la modification de la loi sur la transplantation d'organes. Le problème est complexe et nous ne sommes pas tous du même avis au sein de la rédaction du Pamphlet; les opinions exprimées ici n'impliquent donc que leur auteur.
En bref, la modification de la loi est un contre-projet à l'initiative populaire «Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes», qui demandait, comme le texte soumis au vote, le passage du modèle du consentement explicite du patient, où ce dernier doit avoir exprimé sa volonté de faire don de ses organes en cas de décès, à celui du consentement présumé, où le patient est réputé accepter le prélèvement s'il n'a pas indiqué le contraire.
Le comité référendaire est composé pour une bonne part de docteurs en droit, en médecine et en théologie. C'est intéressant car c'est parfaitement représentatif des enjeux de la votation.
L'article 10 al. 2 de la Constitution fédérale indique que «tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l'intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement». Selon le comité référendaire, la modification de la loi serait anticonstitutionnelle en ce qu'elle irait à l'encontre de la protection de l'intégrité physique des personnes en fin de vie. Il y aurait de plus une sorte de renversement du fardeau de la preuve, obligeant les proches à argumenter de façon convaincante afin de rendre probable la volonté du sujet de ne pas faire don de ses organes.
L'argument éthique et médical se base sur l'obligation d'information au patient, obligatoire même pour une intervention mineure, afin qu'il puisse prendre une décision en toute connaissance de cause. Dans le cas du prélèvement d'organes, cette condition ne serait bien sûr pas respectée.
Enfin, la question religieuse n'est pas spécifiquement exprimée comme telle, mais elle sous-tend toute la question de la mort.
Nous n'avons jamais fait mystère dans notre journal de l'importance que revêt pour nous le droit à la vie. La lutte contre l'avortement est un de nos chevaux de bataille et les questions qui se posent dans ce débat sont finalement très proches de celles qui nous occupent aujourd'hui. Quand doit-on considérer que la vie existe? Y a-t-il une différence fondamentale entre un fœtus et un enfant? A combien de semaines un bébé est-il viable? Toutes ces questions si polémiques tout au début de la vie d'un être humain sont beaucoup plus simples à la fin. Nous nous occupons dans le cas présent d'une personne qui est décédée. Certes, la circulation sanguine continue, peut-être artificiellement, afin d'irriguer les organes sains, mais deux médecins auront dû constater la mort du patient. On ne parle plus d'intégrité physique possible, dans la mesure où, sans aide, les organes vont immédiatement commencer à se dégrader. Le patient est mort, il s'agit d'un cadavre. Et, en face, nous avons des patients en vie, ou disons en sursis, qui pourraient avoir encore de longues années devant eux, faites de relations et d'expériences, si un cœur, un foie ou un rein pouvait leur être greffé. Je trouve que ce potentiel n'est pas suffisamment mis en avant dans ce débat.
Nous avons parlé plus haut du deuxième alinéa de l'article 10 de la Constitution. Le premier alinéa dit «tout être humain a droit à la vie. La peine de mort est interdite».
Finalement, parlons des proches, soumis à une pénible décision au moment où le chagrin les submerge. Je ne crois pas que l'on puisse généraliser les sentiments que peut inspirer la question du don d'organes. Personnellement, savoir qu'une personne a pu vivre grâce à un organe prélevé sur un proche pourrait probablement m'aider dans mon travail de deuil.
Il appartiendra à ceux qui organiseront la mise en application de la modification, si elle est acceptée, de régler au mieux les petits défauts du projet, comme l'organisation de la collecte des volontés individuelles dans un registre.
Je voterai «Oui».
Michel Paschoud
Thèmes associés: Ethique - Politique fédérale - Religion
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