Lectures d'été
J'ai profité d'une période estivale point trop occupée pour rattraper mon retard en matière de lectures. Je me suis notamment attelée aux quatre derniers Cahiers de la Renaissance vaudoise1, imprimés entre janvier et avril 2022, à savoir trois volumes publiés dans la nouvelle collection Pagus – De la terre au pays, ainsi que Un Académicien chez les Vaudois, dernier ouvrage de Jean-Philippe Chenaux.
Nous sommes tous agacés par les petits jeunes et les quelques vieux qui défilent dans les rues pour réclamer le sauvetage immédiat de la Planète. Nous ne le sommes pas parce que nous nous désintéressons du climat, de notre environnement, de la préservation de nos paysages, de la santé des êtres vivants ou d'une saine gestion des ressources que nous offre la terre. Nous le sommes parce que ces militants prétendent atteindre leurs objectifs par la mise en œuvre d'un écologisme totalitaire, culpabilisant et quasiment religieux.
C'est une tout autre démarche qu'adoptent les trois volumes évoqués plus haut. Chacun à sa manière parle d'écologie, mais en laissant de côté l'idéologie pour s'enraciner dans le concret.
Ces textes très denses sont difficiles à résumer. Je vais néanmoins tenter d'en extraire les éléments dominants.
Le premier, Pour une écologie politique nationale – Territoire, Institutions, Histoire2, est dû à Félicien Monnier, docteur en droit, avocat et président de la Ligue vaudoise. L'auteur part du principe que les défis écologiques relèvent de la politique et qu'il importe de s'en occuper dans le cadre de la nation, du Pays de Vaud en l'occurrence. L'ouvrage présente une description détaillée du territoire vaudois, dans laquelle les accents poétiques traduisent l'amour que Félicien Monnier porte à sa patrie vaudoise. A cela s'ajoutent un cours d'histoire vaudoise fort utile pour le lecteur oublieux ou ignorant et une évocation des institutions nécessaires à la vie de la communauté, institutions fondées sur la souveraineté, le fédéralisme et l'autonomie communale.
Le deuxième, Agriculture & écologie – Concurrents ou Alliés3, a pour auteur Loïc Bardet, ingénieur agronome EPFZ et directeur d'Agora (Association des groupements et organisations romands de l'agriculture). Cet ouvrage est assez difficile à lire pour le profane, car il fait appel à des connaissances pointues que ne possède pas le citoyen lambda, surtout s'il est citadin. On comprend tout de même que les objectifs de l'écologie et ceux de l'agriculture peuvent entrer en conflit, mais que des mesures appropriées permettraient d'atténuer, voire de supprimer ces conflits. Signalons le chapitre consacré au bien-être animal, qui sera lu avec profit à la veille de la votation sur l'élevage intensif.
Dans Les communes vaudoises: une diversité à préserver4, Jean-Michel Henny, docteur en droit et avocat, nous décrit le fonctionnement des communes vaudoises, leurs représentants, leurs relations avec l'Etat envahissant et bureaucratique. Il s'en prend aux fusions, qui font chuter le nombre des communes et éloignent les citoyens de leurs autorités. Il évoque les problèmes financiers résultant de la répartition des charges entre l'Etat et les communes. Il rappelle que la protection des communes permettra à celles-ci «de jouer pleinement leur rôle dans la préservation de la biodiversité, la protection du climat, la mise en valeur des produits du terroir, le développement de la culture et une vie de qualité».
Savez-vous qui était Edmond Jaloux (1878-1949)? J'avoue que, jusqu'à ce que je lise l'ouvrage de Jean-Philippe Chenaux, Un Académicien chez les Vaudois5, j'ignorais tout de ce poète, critique littéraire et romancier français, élu à l'Académie française en 1936, qui vécut à Lausanne puis à Lutry une bonne partie de sa vie.
Ainsi qu'il l'avait déjà démontré dans son ouvrage sur Robert Moulin6, Jean-Philippe Chenaux place les personnages dont il se fait le biographe dans un cadre très large, englobant les événements et les personnalités qui ont marqué leur époque. Dans le cas d'Edmond Jaloux, il s'agit d'une véritable fresque culturelle réalisée avec une incroyable minutie, qui nous met en contact avec des auteurs, poètes et journalistes, hélas parfois oubliés: Charles-Ferdinand Ramuz, Gustave Roud, Edmond-Henri Crisinel, Myrian Weber-Perret, Daniel Simond, pour ne citer que les principaux. Nous découvrons aussi la Société de Poésie, dont Edmond Jaloux fut l'âme, et qui, de 1944 à 1948, s'est illustrée par ses publications et ses activités culturelles, auxquelles participèrent entre autres Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir.
Les ouvrages de Jean-Philippe Chenaux sont toujours le fruit de recherches approfondies, qui ne laissent nulle place à l'erreur ou à l'imprécision. Ils n'en sont pas rébarbatifs pour autant. On sent que le biographe sympathise avec l'homme dont il évoque la vie, la personnalité, les écrits, les relations et les activités, ainsi qu'avec les lieux qu'il décrit et que le lecteur reconnaît parfois avec un vif plaisir.
Je n'ai probablement pas rendu justice aux quatre ouvrages décrits ci-dessus et à leurs auteurs. Quoi qu'il en soit, il faut savoir gré aux Cahiers de la Renaissance vaudoise et à leur directrice Claire-Marie Schertz de les avoir publiés.
M. P.
1Cahiers de la Renaissance vaudoise, place du Grand-Saint-Jean 1, case postale 6724, 1002 Lausanne, https://www.ligue-vaudoise.ch/cahiers.
2 CRV 155.
3 CRV 156.
4 CRV 157.
5 CRV 158.
6 Robert Moulin et son temps, éditions Infolio, 2016, www.infolio.ch.
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